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LE CREUSOT ET LES MINES DE SAONE-ET-LOIRE,


PAR M. L. SIMONIN.
1865. – TEXTE ET DESSINS INÉDITS


ÉPINAC.

SOUS TERRE.
De Paris à Epinac. - Mon camarade Zulma Blanchet. - Un puits et une galerie de mine. - Installations de la surface. - Exploitation souterraine. - Eboulements et remblais.

Transport de la houille par les mules dans les galeries

Les trains express qui rayonnent tous les soirs de Paris sur les divers départements de la France, sont bien appropriés aux habitudes de la vie moderne. Vous montez en wagon de huit à neuf heures, après diner. On vous a laissé le temps de faire au logis votre repas à l’aise, de lire le journal, en prenant le café et fumant le cigare, si vous êtes fumeur. Après quoi, vous avez fait approcher une voiture, et, au pas mesuré de votre cheval, vous avez gagné la gare. La cloche sonne, vous voilà enwagonné, étiqueté, numéroté, empilé, ni plus ni moins qu'un colis quelconque. Vous a vez pris votre coin, et vous dormez si vous pouvez. Le lendemain, au petit jour, vous ouvrez l'œil et enviez le sort des voyageurs qui touchent à la limite de leur trajet.
Par une nuit du mois d'octobre 1865, j'étais un de ces mortels, heureux ou malheureux, qu'un soir prend au départ de Paris, et que le matin suivant restitue à une gare quelconque de province. Au lieu de suivre le chemin de mon lit, j'avais pris celui de la gare de Paris-Lyon-Méditerranée, comme on dit dans la langue officielle des railways, et je me réveillais au petit jour à Chagny, où je ne vis rien que la brume. L'infatigable M. Joanne, le père de tous les guides, grands et petits, du Voyageur en France, m'avait annoncé que Chagny possède entre autres merveilles, une église avec clocher roman du XIIème siècle, la tour carrée d'un vieux manoir, et la coupole orientale d'un château moderne, « qui attire de loin les regards ». Je n'aperçus rien de tout cela; j'eus beau écarquiller les yeux, tout était encore enveloppé dans l'épais brouillard d'un matin d'automne, qui se résolvait dans l'air en pluie fine. Sur la route qui se détache de la station, un véhicule, un cheval et un cocher endormis, se laissaient cependant distinguer à la lueur blafarde d'une lanterne. Je hélai l'automédon, qui sortit en sursaut de son rêve, et me demanda si j'étais bien « le monsieur qu'il attendait ? »  A quoi je répondis affirmativement, fis charger les bagages et pris le chemin d'Épinac. Épinac-les-Mines, où j'arrivais en moins de deux heures, est le centre d'une grande exploitation houillère. Je rencontrai là un vieux camarade, Zulma Blanchet, au nom à la fois oriental et gaulois, et qui avait couru la France, pendant que je courais le monde. Mais le monde est taillé en rond, et quelle que soit la direction que l'on prenne, on revient toujours au point de départ. C'est là une des propriétés de la circonférence, la seule que le bon père Legendre, dans sa géométrie classique, ait oublié de mentionner.
Je tombai dans les bras de Blanchet, lui dans les miens: il y avait quinze ans que nous nous étions perdus de vue! Un bon feu, d'excellents havanes, et le café au lait traditionnel, nous attendaient dans la salle à manger. Je suivis mon hôte, en réfléchissant qu'à cette heure matinale, mon Sosie, si j'en avais laissé un à Paris, était encore ronflant, tandis que sans trop de peine et sans aucune perte de temps, je me trouvais tout à coup jeté à cent lieues de la capitale. Cette réflexion me sembla donner raison à l'auteur du libretto des Diamants de la couronne, et je chantonnais avec lui sur un air connu :
Qu'il est doux de courir le monde!
Ah! Qu’il est doux de voyager!
Mon camarade m'interrompit pour me faire remarquer que je n'étais pas venu à Épinac dans le but de chanter des morceaux d'opéra, que du reste je chantais fort mal. Je me rendis à ces raisons, demandai un habit de mineur, un marteau, une lampe, et me dirigeai vers un des puits de la houillère. L'ingénieur Zulma, en homme qui aime son métier, était charmé de la métamorphose, et me fit les honneurs du gouffre qui devait nous livrer aux noirs domaines souterrains.
Naguère, la descente dans un puits de mine était pleine de péripéties. Suspendu au bout du câble, dans une tonne aux douves mal jointes, on allait battant contre les parois, parfois accroché par la tonne montante, craignant une chute de pierre ou d'outil, baigné par l'eau qui suintait de la roche, enfin, sujet à mille accidents.
« Nous avons changé tout cela » pouvait dire mon ami avec le médecin de Molière. A peine étions-nous arrivés sur la margelle du puits, qu'à un signal du contremaître, une cage hissée par le câble, qui était mû à son tour par la vapeur vint se présenter à nous. Nous y entrâmes debout, et la cage descendit en glissant le long de deux guides, énormes poutrelles de bois fixées dans le puits sur toute la hauteur. La cage est munie d'un toit, en guise de parapierre, et ce toit est surmonté d'un mécanisme particulier qu'on nomme le parachute. Si le câble vient à se casser, un ressort, jusque-là serré par le câble, se détend; il commande deux fortes griffes d'acier qui entrent dans le bois des guides. La cage reste suspendue dans le puits, et l'on procède au sauvetage. Que de vies d'hommes ont été ainsi préservées! Je ne parle pas de la conservation du matériel, que l'invention des guides et des parachutes a plus que jamais assurée, non plus que de l'accélération du service que les cages guidées et superposées ont rendue possible dans les limites les plus étendues de vitesse et de charge. Comme on le voit, le progrès est partout, dans l'ordre matériel non moins que dans l'ordre moral: le monde marche ! Comme l'a dit un penseur.
Je ne faisais pas précisément ces réflexions philosophiques en descendant dans le puits de la Garenne, où mon camarade, en vrai loup de mine, m'avait poussé tout d'une traite. En quelques minutes, nous avions atteint le fond du puits, distant d'environ quatre cent cinquante mètres de la surface. Sur ce point débouche une large galerie munie d'une voie ferrée. Le long de cette voie, roulent les wagons pleins allant vers les cages, et les wagons vides se rendant aux tailles: C'est un va-et-vient continuel. Des mules tirent les wagons; on les fait descendre dans la mine par le puits, attachées au câble, et elles ne quittent plus ce sombre séjour. Elles ont une écurie confortable, sont soignées par des palefreniers, et sont portées au tableau de la mine sous des noms harmonieux et coquets, qui rendraient jaloux les chevaux de course eux-mêmes.
Les wagons à charbon sont en tôle de fer, à quatre roues, en forme de petite cuve ou de berline. On les superpose dans la cage, par paires dans chaque compartiment; ils montent avec rapidité, le long des guides du puits, tirés par le câble, pendant que les wagons vides, dans un mouvement inverse, descendent au fond. Une machine à vapeur, installée au jour, met en jeu les deux cages. Des câbles plats, de la largeur de la main, en fils de fer ou d'aloès goudronné, s'enroulent sur un tambour ou bobine: chacun d'eux passe auparavant sur une énorme roue de fonte, la molette, qui se dresse au-dessus du puits. Une haute et massive charpente supporte les molettes.

Carte du terrain houiller de Saône et Loire


Autour du puits sont installées les chaudières à vapeur qui alimentent la machine motrice; puis les parcs ou estacades où l'on vide le charbon. Chaque qualité a sa case; ici le gros, là le grêle ou le menu ;ou bien les charbons de grille, et plus loin, les charbons à gaz ou à coke, enfin, les houilles impures à laver. Ce sont des femmes, les trieuses, qui nettoient et classent la houille. Aux hommes incombent les travaux les plus rudes; ils reçoivent le charbon à la bouche du puits, le transportent et vident les wagons sur les estacades.
Chacun est à la besogne; la scène est des plus animées. La cheminée élevée des chaudières, en briques rouges, le gigantesque chevalet en bois qui porte les roues sur lesquelles glissent les câbles, tout concourt à donner au tableau un aspect étrange et saisissant. Autour du puits, dans une corbeille aux barreaux de fer, brûle la houille, sans cesse allumée. C'est comme le feu des Vestales, qui jamais ne devait s'éteindre. On sèche à cette flamme ses habits mouillés en sortant de la mine, et le fumeur y allume sa pipe : c'est là qu'on change les postes; c'est là que devisent les ouvriers par les froides journées d'hiver, et quand les surveillants sont loin.

Mineur remontant par le puits, sur la tonne

Pendant que les travaux de la surface offrent cet aspect particulier, à l'intérieur, dans la ville noire des mineurs, tout est bruit et mouvement. On travaille sans relâche, ne se reposant qu'à l'heure du repas, et le déjeuner, dans la mine, à la clarté d'une lumière fumeuse, n'est pas de longue durée.
Quittons la longue galerie longitudinale où nous étions entrés tout à l'heure. Prenons les voies latérales, montons le long des galeries ascendantes. Nous arrivons dans les tailles où l'on abat le charbon. Là, travaille le mineur, armé du pic, et quelquefois de la barre à mine ou fleuret, pour attaquer la houille avec la poudre. Le charbon abattu, vient le rouleur ou traineur, qui le porte au sommet des galeries ascendantes. De celles-ci, le charbon descend dans les galeries de roulage. La descente s'opère par la seule force de la gravité, comme sur une montagne russe. Un câble passe sur une énorme poulie, serrée par un frein pour modérer la vitesse, et les wagons descendants fout remonter les wagons vides.
La couche de houille exploitée à Epinac est très épaisse, puissante, comme disent les mineurs. Elle atteint, en certains points, jusqu'à dix mètres. Naguère, on exploitait cette masse par éboulement. Les mineurs armés de pics emmanchés à de longues perches, provoquaient la chute du charbon au-dessus de leur tête, au risque d'être écrasés. Il fallait fuir devant l'éboulement, qui, souvent s'annonçait formidable. Une partie des charbons restait dans la mine comme remblai, pour combler le vide énorme qui s'était produit. Ces charbons menus, sulfureux, fermentaient, dégageaient une grande chaleur; parfois, ils s'allumaient spontanément, et propageaient l'incendie dans la mine. A tous ces inconvénients, venaient s'en joindre d'autres. Le tassement du terrain qui suivait l'éboulement de la houille, se propageait jusqu'à la surface; d'énormes fissures s'ouvraient dans le sol par où les eaux entraient dans l'intérieur; la mine était inondée, après avoir été incendiée.

La méthode d'abattage dont il vient d'être question, n'était' pas spéciale à la mine d'Épinac. Dans toutes les couches de houille puissantes des bassins français, surtout dans celui dont nous avons à nous occuper, le bassin du Centre ou de Saône-et-Loire, cette méthode était exclusivement employée, il n'y a pas encore longtemps: on lui avait donné le nom expressif de foudroyage. Enfin, on retrouve aussi cette méthode usitée en Angleterre et dans les houillères allemandes.
Avec les remarquables progrès qu'ont faits à notre époque les arts techniques, un système d'exploitation aussi barbare et primitif ne pouvait durer longtemps.

Depuis quelques années, les ingénieurs, réfléchissant que les forêts souterraines s'épuisent et ne se reproduisent pas comme celles de la surface, que le charbon est matière de prix qu'il ne faut point gaspiller, ont partout renoncé à la méthode d'exploitation par éboulement. La méthode par remblais est maintenant partout employée. Avec ce nouveau système, tout le charbon est extrait de la mine. La couche, au moyen de galeries qui se rencontrent à angles droits, est découpée en massifs qu'on abat successivement, comme les taillis dans un bois.

On remplace par de la pierre, tirée de la roche stérile au milieu de laquelle gît le charbon, ou amenée du dehors, l'utile et précieux minéral, dont pas un atome n'est perdu. C'est à M. Blanchet, qui avait déjà installé cette méthode d'exploitation par remblais sur la houillère de Commentry (Allier), que revient l'honneur de l'avoir également importée sur la houillère d'Épinac.

La descente des mineurs parla cage, vue prise au Creusot

 

II

UN PAYS NOIR.

Maisons d'ouvriers. - Mariés et célibataires. - Les invalides du travail. - Le corps. l'esprit et l'âme. - L'ouvrier-propriétaire. - Vue générale du pays. - Cincinnatus. - La voie ferrée d'Epinac. - Cussy-la-Colonne et la colonne de Cussy. - La Bourgogne vineuse. - Le port de Pont-d'Ouche. - Roland à Roncevaux.


Après avoir jeté un coup d'œil sur la ville souterraine des houilleurs, il convient de visiter le district qu'ils habitent, ce que les Anglais appellent le pays noir, en l'honneur du charbon qui donne aux contrées houillères une teinte et un aspect caractéristiques.
Épinac -les-Mines dépend du canton d'Épinac, limitrophe de la Côte-d'Or et compris lui-même dans la sous-préfecture d'Autun. Comme le bourg est assez éloigné de la houillère, la compagnie des mines d'Épinac loge ses ouvriers.
A cet effet, elle a bâti une vaste cité, où des logements isolés sont mis à la disposition des mineurs. Cette cité, édifiée au lieu dit la Garenne, non loin du puits où nous sommes descendus, est percée de rues larges, bien ouvertes, tirées au cordeau. Les logements ont leur façade sur la rue; derrière est la cour, le jardin. Les types des maisons sont divers. Ici, les logements sont tout à fait isolés; là, ils sont par couples; mais toujours une famille habite seule. Les logements sont composés de deux pièces, l'une servant de chambre à coucher, de salle à manger et de cuisine; l'autre, pour le linge et les lits des enfants. Il y a aussi les mansardes pour les débarras, et la cave pour le vin et les provisions.
L'isolement des habitations a été reconnu indispensable, et il a fallu revenir à Épinac, comme dans toutes les mines, sur le type des maisons communes ou cités ouvrières, que dans le principe tons les industriels avaient adoptées pour abriter leurs travailleurs.
Les célibataires habitent à Épinac la maison commune des premiers jours. On l'a transformée en chambres garnies à l'usage de ceux que n'ont pas encore joints les liens de l'hyménée, pour parler comme les poètes classiques. Ces chambres sont commodes, bien éclairées, de dimensions convenables, munies d'un lit, d'une armoire, d'une table à toilette, d'une cheminée. Les murs sont blanchis à la chaux, le plancher est carrelé; dans bien des hôtels de petite ville, on n'est pas mieux logé.
Toutes les chambres s'ouvrent sur un corridor commun; elles occupent le premier étage de l'ancien phalanstère. Au rez-de-chaussée est une autre série d'appartements, livrés généralement à des familles de mineurs. Sur le même plan est la cantine, ou plutôt l'établissement alimentaire où se confectionne sans relâche, dans une énorme chaudière, le pot-au-feu sacramentel. C'est une sorte de Bouillon-Duval à l'instar de Paris. L'on y sert aux ouvriers non mariés, en retour de jetons dont le prix varie de cinq à quinze centimes, suivant la nature des portions, d'excellents et copieux repas. Les familles viennent elles-mêmes quelquefois se fournir à la cantine, tant la qualité des mets y est de premier choix.
Voilà le vivre et le toit garantis à ceux qui sont bien portants. On a pensé aussi aux blessés, aux malades, aux infirmes; les soldats des souterrains, comme ceux de l'armée, méritent d'avoir leurs Invalides. C'est pourquoi on a fondé une infirmerie, où les ouvriers sont soignés gratuitement. La caisse de secours, à laquelle chacun contribue par une retenue de trois pour cent sur son salaire mensuel, assure à l'ouvrier, malade ou blessé, les visites du médecin et les remèdes, et de plus une paye journalière pendant tout le temps de son chômage. L'ouvrier vieux et infirme jouit d'une retraite jusqu'à sa mort. C'est ainsi que fonctionne sur les mines la caisse des Invalides du travail.
La satisfaction à donner aux besoins matériels des mineurs n'a pas seulement préoccupé les exploitants. Ils ont aussi fondé un asile, des écoles gratuites pour les enfants, des cours d'adultes, une bibliothèque, et garanti par là aux ouvriers en quelque sorte le bien-être de l'esprit. Enfin on a pensé aussi aux besoins de l'âme, et une église a été projetée pour que cette intéressante population jouisse de tous les secours que la religion peut donner.
L'hôpital, l'école et l'église sont désormais à portée du mineur. Son logement est confortable, sa nourriture abondante, variée, et le pays qu'il habite des plus sains. Ce tableau n'est pas chargé à plaisir; chacun y peut aller voir. Que reste-t-il à faire pour rendre le travailleur le plus heureux homme du monde? Lui donner les moyens d'acquérir un lopin de terre, de construire ou d'acheter sa maison, en un mot,


De bâtir un château de ses économies !


Comme le sous-lieutenant de la Dame Blanche. Ce rêve de l'ouvrier-propriétaire, caressé par les économistes, caressé par l'ouvrier de tous les temps et de tous les pays, a été accompli sur d'autres mines; mais la compagnie d'Épinac s'est jusqu'ici refusée d'en faciliter à ses mineurs la réalisation. Nous croyons que la compagnie a tort. Attacher l'ouvrier au sol, ce n'e~t pas mettre dans ses mains le monopole, la coalition du travail, comme on pourrait le croire; c'est le rendre conservateur, ennemi des grèves et du cabaret, ami de l'épargne. C'est lui permettre de satisfaire l'ambition de presque tous ici-bas, par la possession d'un morceau de terre, qu'on passe sa vie à arrondir, à agrandir, comme si la terre, où nous devons tous retourner, devait auparavant recevoir notre plus grande somme d'effort et de travail. Et puis, faut-il le dire? le mineur, sur les houillères, ne paye pas toujours de bonne grâce son loyer à la compagnie exploitante, quelque minime que soit la redevance exigée, et volontiers parodiant le distique célèbre de M. Vautour, ce modèle des propriétaires parisiens, volontiers il dit à ses patrons:
Je ne veux pas payer mon terme !
Je veux avoir une maison à moi.

Descente d'un cheval dans la mine, vue prise au Creusot


La cité ouvrière d'Épinac, avec ses maisons de briques ou de pierres, aux toits de tuile ou d'ardoise (la variété ne nuit pas à l'architecture), occupe un vaste plateau. Sur un côté se détache le phalanstère avec sa cuisine rivale du fameux Duval; à gauche, quand on examine le tableau du haut de la montagne de Résille, est la mine avec ses puits, dont les cheminées des chaudières sont couronnées d'un panache de fumée. Quand je visitai le pays, une partie des installations extérieures était reprise et agrandie. De nouvelles cheminées en briques, plus vastes, plus hautes que leurs cadettes, étaient en construction. De loin, on distinguait vaguement, dans ces tours massives, les maçons alignant les briques, les manœuvres charriant le mortier. Ici les chèvres pour monter les matériaux, là les planchers pour porter les hommes. C'était comme un raccourci de la tour de Babel, quand les Limousins de Ninive et de Babylone, laissant l'ouvrage inachevé, se mirent à parler patois, et que naquit la confusion des langues.
Soyons sérieux, et revenons à nos moutons, avec Panurge.

Les trieuses de charbon, types du Creusot. (Sur le premier plan, assise sur la brouette, est la mère Dion ; trente-six ans de triage, haute paye)
Les trieuses de charbon, types du Creusot. (Sur le premier plan, assise sur la brouette, est la mère Dion ; trente-six ans de triage, haute paye)


Vu de la montagne de Résille où nous sommes encore perchés, le spectacle qu'offre la houillère d'Epinac mériterait de fixer l'attention d'un peintre, ami de la nature et de l'industrie; je ne dis pas d'un photographe, car les photographes se sont glissés partout. A l'horizon, les montagnes porphyriques du Morvan profilent leurs pics ondulés, qui limitent doucement le tableau. Devant soi on a la mine avec ses bureaux, ses ateliers, avec le monumental édifice en charpente destiné au lavage et à la purification de la houille menue, avec la longue rangée des fours à coke où l'on carbonise la houille, comme le bois dans les forêts, tandis que les menus impurs, impropres à la vente ou à la cuisson du coke, sont employés à fabriquer de la chaux, qui sert dans les constructions, et entre comme amendement dans l'agriculture.
Les logements de la direction sont perdus dans un bout de jardin. Plus loin est le domaine du Curier, qui fait partie de la houillère. Le pic et la charrue marchent ici de compagnie. Volontiers le directeur d'Epinac revêt l'uniforme de Cincinnatus, et après avoir vaincu les ennemis souterrains, les éboulements, les inondations, il se repose de ces luttes émouvantes dans les paisibles travaux des champs. Comme Virgile
.... Il sait sous quel signe
Il faut ouvrir la terre, et marier la vigne.

Le déjeuner dans la mine, vue prise au Creusot


Après tout, l'agriculture et l'exploitation des mines, la culture du sol et du sous-sol, ne méritent-elles pas d'aller ensemble comme deux sœurs? Ces deux arts ne sont-ils pas la source de toute richesse territoriale, ne créent-ils pas seuls les matières premières indispensables à toute industrie?
Derrière les arbres du domaine du Curier disparaît la voie ferrée d'Épinac, qui partant de la houillère, en amène les charbons au port de Pont-d'Ouche, sur le canal de Bourgogne. Cette voie occupe une place glorieuse dans l'histoire des chemins de fer français: c'est la troisième en date des voies ferrées construites dans notre pays. Elle a été établie en 1830, et ne compte comme aînées que celles de Saint-Étienne au port d'Andrézieux sur la Loire, et de Saint- Etienne à Rive-de-Gier. Ces deux railways ont précédé celui d'Épinac, le premier de quatre ans, le second d'un an seulement Ce n'était alors que pour transporter la houille, matière lourde et de peu de prix, que l'on faisait en France des chemins de fer. C'était même, pour ce but exclusif, et dans les houillères britanniques, que le railway avait pris naissance. En 1834, un homme d'un esprit supérieur pouvait encore, avec bonne foi, exprimer l'opinion que le réseau projeté de Paris sur la province, était à peu près inutile, et ne servirait qu'à amuser les curieux accourus au passage de la locomotive. Que ces temps sont près de nous, et qu'ils semblent loin à cause des résultats obtenus! Ce n'est plus le charbon, c'est le voyageur qui est devenu le meilleur colis des chemins de fer, et aujourd'hui la voie ferrée est partout. C'est maintenant aux lieux où elle a été pour la première fois établie, et où elle est restée telle qu'on l'avait faite, qu'elle est devenue une curiosité, tant le progrès a été rapide, et si profondes ont eté les transformations qu'a subies l'invention nouvelle !
Sur le chemin de fer d'Epinac à Pont-d'Ouche, dont la longueur est de vingt-huit kilomètres, on rencontre des rampes, des montées très-roides, comme dans les premiers chemins de fer, cousins des routes de terre. On y a construit ce qu'on nomme des plans inclinés, en souvenir du fameux plan de Galilée. Une machine à vapeur fixe, établie au sommet du plan, hisse le train au moyen d'un câble qui s'enroule sur un cabestan, et à la descente le train reprend seul sa course par la force de la gravité.
Le chemin de Pont-d'Ouche traverse des sites intéressants. A Yvry, à Montceau, sont établis les plans inclinés dont il vient d'être fait mention. Ces points sont remarquables dans la géographie de la France. C'est par là que passe la ligne divisoire entre les eaux qui se rendent à l'Océan et celles qui se rendent à la Méditerranée. C'est cette même ligne de .faîte qu'un peu plus loin le tunnel de Blaisy, sur le chemin de fer de Paris à Lyon, franchit par un souterrain de plus d'une lieue.
Sur le plateau qui sépare les deux plans inclinés du chemin de fer d'Épinac, passe la grande courbe idéale. Les Romains ont-ils eu connaissance de cette ligne, ou ont-ils voulu seulement témoigner sur ce lieu de quelque rencontre victorieuse des cohortes césariennes avec les bataillons éduens? Toujours est-il que ce point porte le nom de Cussy-la-Colonne, parce qu'on y a trouvé une colonne romaine qu'on a remise debout. Une inscription, rédigée dans cette langue franco-latine dont nous ne pouvons parvenir à nous défaire, nous apprend que le vieux monument, antiquissimum hoc monumentum,ruiné par l'injure du temps, a été rétabli dans son premier état par M. Charles d'Arbaud, préfet de la Côte-d’Or, Collis Aurei prefectus,et sous l'empire de Charles X, imperante Carolo X: tout cela en l'an de grâce 1825, anno salutis M.D.CCC.XXV,comme dit l'inscription. Quel étonnant mélange de la langue de Cicéron et du patois administratif ! Pauvres Romains ! est-ce parce que vous nous avez vaincus, que nous traitons si mal votre beau et harmonieux langage? Ces lieux sont encore pleins de vos merveilleux exploits et de vos grands souvenirs, mais les fils de Brennus et de Vercingétorix ne se sentiront jamais pris, devant la colonne de Cussy, de ce fiévreux mouvement d'orgueil qui les saisit parfois devant une autre colonne plus fameuse et toute française.
Passons, et descendons à Bligny. Nous voici en pleine Bourgogne. Le vin du terroir suffirait à nous le rappeler, si nous ignorions la géographie locale. Mais est-ce bien le cas de goûter aux crus secondaires du pays, quand nous avons à notre portée tous les crus fameux de Mercurey, Volnay, Pommard, Beaune, Nuits, Vougeot, Chambertin? Ils sont là tous, à notre droite, jalonnés sur une ligne parallèle de celle que nous suivons, et distante seulement de quinze à vingt kilomètres. Salut donc aux crus généreux et chauds de la vieille Bourgogne, salut aussi à Pont-d'Ouche, terme de notre voyage sur la voie ferrée. C'est là que passe le canal de Bourgogne, reliant l'Yonne à la Saône, les eaux de la Seine à celles du Rhône, le nord de la France au midi, l'Océan à la Méditerranée. Ce que Dieu avait séparé, l'homme l'a réuni, ou plutôt le génie humain a fait disparaître les obstacles imposés par la nature, et ces obstacles, la nature les avait peut-être créés à dessein. Si elle avait tout fait pour nous, si elle nous avait ou vert toutes les voies, quel mérite aurions-nous à réussir? C'est dans la lutte qu'on se retrempe, et c'est au milieu des difficultés que s'engendrent les plus grandes choses.
Le rivage de Pont-d'Ouche, comme on l'appelle, est le port du canal de Bourgogne qui dessert la houillère d'Épinac. De là les charbons se rendent à Dijon, à Pouilly, le long du canal où l'on fabrique un ciment célèbre, et enfin en mille autres lieux, nous dirait l'agent de la mine à Port-d'Ouche, s'il voulait faire valoir sa marchandise.
Le port, avec ses longues estacades pour le dépôt des charbons, avec sa fabrique de briquettes où l'on agglomère mécaniquement les houilles menues, avec ses quais de chargement, ses magasins, termine dignement le railway. La voie de fer et la voie d'eau se donnent ici la main, et les deux stations se fondent en une seule. Pour les amis du paysage, une haute ligne de peupliers, bordant les rives du canal, vient adoucir le ton trop heurté, pour ne pas dire plus, occasionné par l'encombrement des charbons.
En été, le pays est, dit-on, charmant; mais je ne l'ai vu qu'en novembre et par un jour de pluie.
Au retour, la pluie et la nuit furent 1es compagnes du voyage. A la descente des plans inclinés, nous sonnions du cornet à bouquin pour aviser les gardes de la voie et faire ouvrir les barrières. Au milieu d'une obscurité profonde, et dans cette marche rapide que la gravité seule réglait, ce son avait quelque chose de sinistre. Malgré moi je pensais à. Roncevaux et à Roland; mais, plus heureux que le grand paladin de Charlemagne, je ne tombai pas en chemin, et rentrai sain et sauf à Épinac.

 

III

L'AUTUNOIS.

Le pays des Eduens, - Le château et la verrerie d’Epinac. - Le pétrole français. - La porte d'Arroux, - La cathédrale et le musée d'Autun. - Ruines romaines, - Où est Bibracte?


La houillère d'Épinac est située sur la limite du département de Saône-et-Loire et de la Côte-d'Or, entre Autun et Chagny, adossée aux derniers contre-forts du Morvan. Elle est au cœur de cette région qui s'appelle l'Autunois, parce qu'Autun en forme le centre. C'est la patrie de ces anciens Eduens, qui, amis et alliés du peuple romain, facilitèrent à César la conquête de la Gaule, et qui, pris de remords au dernier moment, se confédérèrent avec les Arvernes, pour tomber avec eux sous les murs d'Alesia. Depuis, les fastes de l'Autunois n'ont plus eu à enregistrer des pages aussi brillantes; mais la contrée a néanmoins marqué dans l'histoire nationale, et a fourni à la France sa part de glorieux enfants. Le président Jeannin, qui préserva courageusement Autun des massacres de la Saint­Barthélemy, et à notre époque le général Changarnier·sont nés à Autun. Les Mac-Mahon sont aussi Autunois, et ont leur château à Sully, au voisinage de la houillère d'Épinac.
En dehors de ses mines de houille, et des ruines d'Autun, dont nous parlerons tout à l'heure, l'Autunois a peu de curiosités à montrer au voyageur. Épinac est fier cependant de son château, plus vieux que celui de Sully qui n'a que le nom de l'ancien ministre d'Henri IV, et qui ne date que du seizième siècle. Du château d'Épinac il reste deux belles tours, d'épaisses murailles, et plusieurs appartements aux fenêtres gothiques. Ce fut jadis un château fort, et les savants de l'endroit prétendent qu'il a soutenu des sièges. Un d'eux m'a affirmé que les tours du château étaient jadis plus hautes, mais qu'elles furent abaissées parce que les chevaux du sire d'Épinac s'étaient un jour permis, je ne sais plus sur quel pont, de devancer les chevaux de leur suzerain. C'est quand les tours avaient toute leur hauteur qu'il eût fallu voir le château, ajoutait l'archéologue épinacien ; on en parlait à cent lieues à la ronde, et partout courait ce dicton, que l'on prêtait au vieux castel :
Démène· toi, tourne-toi, vire-toi,
Tu ne trouveras pas plus beau que moi.
Ainsi parlait l'archéologue, pendant que le gentilhomme verrier de l'endroit m'arrachait à ces études du moyen âge, pour me montrer sa belle verrerie, fille de l'industrie moderne. Elle est née à côté du charbon, et fut bâtie dans le principe près de la mine, pour consommer sur place la houille qu'on extrayait. Avant l'établissement des chemins de fer, les choses allaient ainsi. Où envoyer économiquement le charbon? La cherté des transports et le mauvais état, souvent l'absence des chemins, empêchaient de répandre au loin l'utile minéral. Alors on créait une industrie spéciale. Tantôt une usine à fer, tantôt une verrerie, une fabrique de glaces, même une briqueterie. Les fonderies et forges de Terre-Noire près Saint-Etienne, celles du Creusot, l'ancienne fabrique de glaces de Commentry, pour n'en pas citer davantage, n'ont pas eu d'autre origine. Ne pouvant écouler au dehors le charbon, on s'étudiait en quelque sorte à le transformer sur place. A mesure que les chemins de fer sont venus, plusieurs de ces industries, nées par la force des circonstances, et comme en serre chaude, ont peu à peu disparu, mais d'autres ont résisté, et se sont définitivement implantées dans des pays où, sans le charbon, on n'eût jamais songé à les introduire.
La verrerie d'Épinac a été du nombre de ces industries d'abord improvisées, puis vivaces. Dirigée aujourd'hui par M. Andelle, elle fabrique sans cesse ni trêve des dame-jeannes et des flacons, et fournit par an plusieurs millions de bouteilles, près de quatre millions, je crois, à la Bourgogne et au Bordelais.
Messieurs, Messieurs, laissez-nous faire,
On vous en donnera de toutes les façons,
dit l'infatigable directeur à ses nombreux clients.
On connaît cette intéressante fabrication.des bouteilles. Dans un four chauffé à blanc, sont disposés quatre énormes creusets en terre réfractaire, c'est-à-dire infusible au feu. Du sable de rivière un peu ferrugineux, de la chaux, de la soude, sont mis ensemble dans le creuset. Le mélange ne tarde pas à fondre en un verre homogène et de couleur vert noirâtre. Toutes les matières se sont intimement combinées; ce n'est plus qu'un silicate de soude et de chaux, auquel la présence du fer donne la couleur caractéristique du vert bouteille. Alors arrive le souffleur, non pas alchimiste comme ceux du moyen âge, mais utile verrier, qui prenant au bout d'une canne creuse en fer, semblable à un canon de fusil, une portion de silicate, souffle par l'autre bout, et façonne peu à peu la bouteille. La forme s'achève dans un moule. Chez M. Andelle, non-seulement les formes, mais les volumes arrivent à être toujours les mêmes, et ce point est important aussi bien pour le marchand de vin que pour le consommateur. Dans la verrerie d'Épinac, un appareil ingénieux, le lagénomètre, fait justice de toutes les bouteilles ou trop grandes ou trop petites. Le lagénomètre? direz-vous; qu'est-ce que cela? Ouvrez ce livre qui nous a tous amusés au collège, le Jardin des Racines grecques, et lisez:
   pot, bouteille antique.
   mesure et vers nombré.
Le lagénomètre est donc l'appareil qui mesure les bouteilles; le mot n'est-il pas bien trouvé? L'avis de M. Andelle est qu'il est bon, et que la chose fonctionne bien. Soyons de l'avis des connaisseurs.
La verrerie consomme environ neuf mille tonnes ou neuf millions de kilogrammes par an. On calcule que cela fait à peu près trois kilogrammes de houille par kilogramme de verre produit. Toutes les industries établies dans le principe au voisinage des houillères, devaient naturellement répondre à cette condition de consommer beaucoup plus de houille que d'autres matières premières.
La houillère d'Épinac, qui fournit à la verrerie tout le combustible dont elle a besoin, n'est pas la seule dont il s'extraye du charbon dans le bassin de l'Autunois. Quand on va d'Épinac à Autun, on traverse plusieurs concessions de mines qui produisent aussi de la houille. Toutefois ces exploitations ne sauraient faire concurrence à celle d'Épinac; mais quelques-unes sont intéressantes à d'autres titres. C'est là que gisent les schistes bitumineux que l'on distille pour en retirer l'huile minérale, et faire concurrence au pétrole américain au moyen de ce pétrole français. Ces gîtes jouissent aussi d'un grand renom auprès des géologues.

Palaeonisque. Poisson fossile du terrain houiller d'Autun

C'est dans leurs feuillets qu'on rencontre les empreintes de poissons fossiles, les amblyptères, les paléonisques sur lesquels le naturaliste Agassiz a fait les grands travaux qui ont rendu son nom à jamais immortel. C'est encore au milieu de ces schistes, à Muse, que M. Frossard a récemment découvert les débris pétrifiés d'un saurien, le premier qu'on ait trouvé en France dans le terrain houiller. M. A. Gaudry en présentant à l'Académie des sciences ce noble témoin des premiers âges, parent de l'Archégosaure ou du premier lézard, a proposé de lui donner le nom d'Actinodon. Ce nom signifie que les dents de ce reptile sont striées, rayonnées (Il faut toujours parler quelque peu la langue d'Homère, dans la science comme dans l'industrie. Actinodon vient de deux mots grecs: rayon, etdent. Je m'étais fait une joie de communiquer aux lecteurs du Tour du Monde un dessin fait, d'après nature, des vénérables débris de l'Actinodon. Malheureusement le muséum de Paris n'est pas prêteur, même de ce qu'on lui prête, et c'est là son moindre défaut. Comme il se propose de publier lui-même le fossile trouvé par M. Frossard, il m'a renvO\é à l'ancien éditeur des Archives du muséum, celui-ci au nouvel éditeur, lequel m'a renvoyé à son tour aux administrateurs eux-mêmes du muséum, lesquels, après m'avoir enfermé dans ce cercle vicieux et le règlement du Jardin des plantes à la main, m'ont ajourné à l'issue de leur publication de l'Actinodon. J'ai ainsi couru de Caïphe à Pilate, et suis revenu les mains vides. Ce que les établissements administratifs ne font que lentement, et souvent à grands frais, un simple éditeur l'eut fait en quinze jours et sans rien demander à l'État. Et nunc erudimini !)
Allant un jour à Autun, je visitais ces fameuses mines de schiste. Les couches qui les contiennent sont supérieures à celles d'Épinac. Les schistes noirs, lustrés, se divisent en minces feuillets comme des ardoises. Les Romains d'Augustodunum qui ignoraient la propriété de ces roches de fournir de l'huile, les ont employées en placages et comme pierres de mosaïque. Les schistes dégagent par le frottement une odeur bitumineuse. On abat la roche comme s'il s'agissait de la houille, puis on la distille dans une sorte de chaudière fermée ou cornue, chauffée par le bas. L'huile se volatilise, gagne le haut de la cornue, et traverse un tuyau plusieurs fois enroulé sur lui-même, ou, comme on dit, un serpentin. Le serpentin baigne dans un courant d'eau froide : L'huile se condense et se liquéfie. On la recueille dans des récipients. Elle a une couleur jaune foncée caractéristique, et sent le goudron. Par de nouvelles distillations, on la décolore, on la désinfecte, et l'on obtient une huile blanche, baptisée d'abord par les industriels du nom d'huile de schiste, et plus tard, à l'époque où ont été découverts les célèbres pétroles des États-Unis, du nom de pétrole français. Cette huile peut servir à l'éclairage comme le pétrole américain. Le mal est que les détaillants s'étudient à la mélanger avec des huiles impures, à l'altérer pour gagner davantage sur le produit vendu. Ils font l'inverse de ce qu'ont fait les exploitants sur la mine, et remettent en quelque sorte dans l'huile purifiée les produits inférieurs qu'on en avait retirés. Franchement ce n'était pas le cas de prendre tant de soins pour la rectification de l'huile de pétrole.
Donnons quelques chiffres qui résument cette curieuse industrie. A l'usine à schiste de Lally, située presque à moitié route entre Épinac et Autun, et au nord du bassin houiller, on exploite une couche bitumineuse de trois mètres de puissance, gisant à vingt-huit mètres de profondeur. On retire moyennement des schistes cinq pour cent d'huile brute dont on sépare l'huile rectifiée, et les produits secondaires, tel que le goudron et la paraffine, dont on fait des bougies. Rien ne se perd dans le travail du schiste.

Le Château d'Epinac


Heureux de pouvoir mêler aux études industrielles un peu d'archéologie, je quittai l'usine de Lally, pour me rendre à Autun. La ville est sur une éminence, au pied de laquelle passe une rivière, l'Arroux, qui se jette dans la Loire, à Digoin. En moins d'une heure j'arrivai devant l'antique porte qui emprunte son nom à la rivière, et qu'on eût mieux fait d'appeler du nom d'Auguste, comme une de ses sœurs de Nîmes. Ce nom eût rappelé aussi celui d'Autun ou Augustodunum.
La porte d'Arroux est un de ces arcs de triomphe dont les Romains marquaient l'entrée de leurs villes, comme s'ils eussent voulu passer partout en conquérants. Elle est composée de deux vastes arcades au centre et de deux petites portes latérales. Au dessus règne une rangée de dix arcades séparées par des pilastres cannelés. Une corniche corinthienne couronne le monument. Le tout est du plus pur style, et offre dans l'ensemble, comme dans les détails, cette netteté, cette correction, cette sobriété, dont les architectes de la Grèce et de Rome ont emporté le secret avec eux.
J'entrai dans Autun par la porte d'Arroux, ni plus ni moins qu'un centurion de l'Empire, et gravissant une série de rues montantes, je me rendis au sommet de la ville, où j'allai voir la cathédrale. Elle date du onzième siècle, et l'architecture mérite d'en être étudiée. Elle est de ce style de transition qui relie l'arc roman ou byzantin à l'ogive. La flèche est du plus pur gothique et très élevée. Au milieu de tout cela quelques pastiches fâcheux, que les modernes, par ignorance ou défaut de goût, ont imposés à cette belle construction.
Le musée d'Autun m'attirait plus encore que la cathédrale ; je ne parle pas du musée des tableaux, tous assez mauvais, sauf un portrait du général Changarnier, mais du musée d'antiquités. Je vis là avec plaisir des verreries et des bronzes revêtus d'une belle patine, des mosaïques, des marbres sculptés, des restes de vases et d'amphores, des objets en fer forgé, rongés par la rouille. Tout cela portait le cachet de l'époque gauloise ou romaine. Qui sait si quelque vergobret (chef des Éduens), n'a pas ceint cette lourde épée, coiffé ce casque et chaussé ces éperons ?
Tous les objets que renferme le musée d'Autun, ont été retirés de fouilles nombreuses. La ville elle-même, l'Augustodunum des Césars, ne renferme aucune ruine gauloise et a fort peu de ruines romaines. J'ai parlé de la porte d'Arroux. Celle de Saint-André mériterait aussi d'être citée. Elle est moins élégante, d'ordre ionique. Une des tours qui servait à la défendre existe encore. Deux grandes arcades couronnées par une rangée de six petites, telle est la porte que les Romains, s'ils revenaient, seraient bien étonnés de voir mise sous le patronage de Saint-André.
Faut-il maintenant parler des restes d'un temple de Janus, d'un amphithéâtre, de ruines de murailles et d'anciennes tours qui ceignaient la ville, d'aqueducs qui y amenaient l'eau, et dont le principal descendait de Montjeu, le mont de Jupiter, mons Jovis, disent les étymologistes? Faut-il, à la grande joie des antiquaires, exhumer tous ces débris épars, et refaire une ville que les Burgundes, les' Sarrasins, les Normands, les Anglais, tous ces grands dévastateurs, ont tour à tour démolie et brûlée? Laissons ce soin à de plus habiles. Seulement relevons ici une erreur dans la quelle bien des historiens persistent encore.
Autun est l'Augustodunum des empereurs romains.
Le nom qu'elle porte indique il la fois l'époque de sa construction sous Auguste, et l'éminence sur laquelle elle est bâtie, dunum, du Gaulois dun, colline, montagne, d'où nous avons fait dune ou montagne de sable. Mais Autun n'est pas l'ancienne capitale des Éduens, Bibracte, dont nous parle César. C'est sur le mont Beubray ou Beuvray, situé à peu de distance à l'ouest d'Autun, et dont l'appellation moderne trahit l'ancien nom celtique, qu'était la primitive Bibracte. Après la conquête, les Romains bâtirent Augustodunum pour ruiner Bibracte, et latiniser davantage les Gaulois. L'histoire nous offre des faits analogues. En Étrurie, à côté de la Florence romaine, est la Fiesole des Tyrrhéniens; la première n'occupe pas l'emplacement de la seconde.
Quand je visitai Autun, cette question du véritable gisement de Bibracte, préoccupait fort les modernes Éduens. Les uns penchaient pour Augustodunum, les autres pour le mont Beuvray. C'est toujours la même histoire des éternelles disputes humaines. LaVie de César, que Napoléon III venait de publier, avait donné à la discussion une impulsion nouvelle, et l'Empereur lui-même était intervenu dans le débat en ordonnant des fouilles sur le mont Beuvray.
Les ruines que ces fouilles ont mises à découvert, semblent ne plus laisser aucun doute. Sur le sommet de la montagne on a trouvé des fondations de murs, et retiré du sol des bronzes et des monnaies celtiques. Là était bien Bibracte, ancienne capitale de la confédération éduenne. Là commandèrent les vergobrets Divitiac et Dumnorix, chefs du collège de druides, et d'abord alliés de César. Que de faits encore indécis dans notre histoire nationale pourraient ainsi être éclairés d'un jour nouveau par des fouilles intelligemment con duites ! Le sol répond quand on sait l'interroger, et notre époque, si féconde en grandes découvertes, aura la gloire de n'avoir pas négligé celles de l'archéologie.

 

IV

FINIS CORONAT OPUS.

Pourquoi je n'ai pas visité Bibracte. - L'homme propose et la pluie dispose. - Mañana. - Les houilleurs d'Epinac. - Pierre Lhôte. - Le père Garnier. - Carême et Figaro. - L'Alcade. Un rival de Sixte-Quint.


J'aurais voulu pouvoir donner ici mon opinion de visu sur Bibracte, et dire après tant d'autres ce que je pensais de l'emplacement exact de l'oppidum des Éduens, j'entends le dire sans rétention, familièrement, comme on cause entre amis de choses qui vous intéressent.
Dans ce but, je m'étais proposé de retourner un jour à Autun, à la seule fin d'y faire de l'archéologie. Le sujet n'eût pas manqué d'actualité, comme on dit par le temps qui court.
« Et pourquoi ne visitâtes-vous point Bibracte le jour même où vous allâtes à Augustodunum? » dira un lecteur mécontent. C'est que ce jour-là, ami lecteur, une pluie diluvienne (comme il en tombe souvent en automne dans le Morvan) survenue tout à coup, inondait la montagne sur laquelle Autun est juché. Les rues en pente versaient l'eau comme des fleuves, mais elles étaient pavées. La montagne de Bibracte, récemment bouleversée par la pioche des antiquaires, devait être à peu près inaccessible, comme les buttes Chaumont le jour où pour la première fois l'infatigable préfet de la Seine y lâcha ses robustes terrassiers, et qu'un de ces déluges, dont le ciel de Paris n'est nullement avare, vint détremper l'argile défoncée.
Ce fut devant un de ces cataclysmes, cas de force majeure, que l'honorable membre de la société Éduenne à qui j'étais adressé (les modernes Gaulois de Bibracte se parent volontiers du nom de leurs pères) m'engagea à différer notre excursion. J'acceptai et remis à plus tard. Mais le proverbe a bien raison: Ne remettez jamais à demain les affaires sérieuses. Il en coûta à je ne sais quel Thébain ou Lacédémonien de n'avoir pas suivi ce proverbe. Il m'en coûta aussi à moi; non pas que j'aie vu le moins du monde se vérifier à mon endroit' ·les vers du poète :
Qui sait d'ailleurs ce que demain m'apprête?
Podagre ou pair si j'allais m'éveiller!
Et si je ne me suis pas réveillé pair, je ne me suis pas non plus réveillé podagre, ce qui fait peut-être compensation. Mais enfin, à force de remettre à demain (ce mañana des Espagnols, ce baccaloum ou ïaryn des Turcs qui ne sont jamais pressés), j'ai fini par ne pas retourner à Bibracte. Oui, cher lecteur, je n'y suis plus allé, et je le confesse. Depuis deux ans je n'ai pu trouver un moment de loisir pour cela.
Et voilà pourquoi, comme dit Molière, votre fille est muette. Au fait, il faut se modérer, petits ou grands, et le fabuliste a bien raison, on ne peut tout faire, on ne peut donner suite à tous ses projets:
« Si j'apprenais l'hébreu, les sciences, l'histoire ! »
Tout cela, c'est la mer à boire;
Mais rien à l'homme ne suffit.
Pour fournir aux projets que forme un seul esprit,
Il faudrait quatre corps; encore loin d'y suffire,
A mi-chemin je crois que tous demeureraient;
Quatre Mathusalem bout à bout ne pourraient
Mettre à fin ce qu'un seul désire.
Je ne quittai donc Autun qu'à moitié satisfait. Je rentrai à Epinac, et j'y observai les gens à défaut des antiquités. N'est-ce pas à tout prendre la meilleure chose que nous puissions faire que d'observer autrui. En étudiant les hommes, on s'étudie, et la plus sage maxime des philosophes est encore celle-ci : «  Connais-toi toi-même. »
J'interrogeai d'abord les braves mineurs, ces pionniers de l'industrie comme on les a si bien appelés. Je me mis au courant de leurs travaux, de leurs habitudes, de leur genre de vie, de leur salaire. Partout je trouvai des ouvriers contents de leur sort, dévoués à leurs chefs, fidèles à la discipline, et obéissants sans se plaindre à tous les ordres des maîtres mineurs. Que ne puis-je ici ouvrir mon album, et faire défiler sous les yeux du lecteur tous ces hommes calmes, réservés, portant empreints sur leur rude figure le sang-froid, la patience et toutes les qualités viriles qui sont indispensables au mineur, ce soldat de l'abîme, qu'on le prenne dans les mines de charbon ou dans les mines de métaux? Mais si je ne puis faire poser ici l'armée du travail tout entière, je ferai défiler au moins les chefs, je veux dire les chefs immédiats, les maîtres mineurs, les caporaux, comme on les nomme dans quelques mines, où les expressions militaires sont volontiers adoptées.
Parmi les caporaux d'Épinac, le premier qui se présente est Pierre Lhôte, le vaillant chef mineur des chantiers souterrains. Avant d'exploiter la houille, il a été au siège de Constantine, et a pris la ville avec Lamoricière, beau début ! Sans doute il s'est fait houilleur pour continuer à brûler de la poudre.
Pierre Lhôte apporte dans son service toute la rigidité du soldat. L'ingénieur vient-il visiter un chantier, il dit à ses hommes : «  Allons, mes enfants, rangez-vous, voici monsieur l'ingénieur qui va passer.» Peu s'en faut qu'il ne les aligne au port d'armes, le pic debout dans la main droite, la gauche appuyée sur la pelle.
Un jour les mineurs, au fond des travaux, menacent de se mettre en grève. On dispute sur le prix de l'ouvrage, on ne s'entend pas. « Mes enfants, attendez-moi là, dit Pierre Lhôte, je vais consulter monsieur l'ingénieur ». Il revient. «Écoutez, mes enfants, ce que monsieur l'ingénieur m'a répondu:
Pierre Lhôte, va-t'en dire à tes hommes que le poste de jour commence le matin à six heures, s'arrête de midi à une heure pour le repas, et finit à quatre heures du soir. Voilà, mes enfants, ce que monsieur l'ingénieur m'a dit. Il est notre chef, je lui obéis, vous m'obéissez; allons, mes enfants, à l'ouvrage. » Et de grève il ne fut plus question.
Côte à côte avec Pierre Lhôte, surveillant du dedans, marche à Epinac le père Garnier, surveillant du jour. C'est lui qui dirige le triage, le lavage, l'expédition de la houille, la fabrication du coke; c'est à lui qu'incombent tous les· détails du service extérieur. Il a l’œil à tout, prêt à satisfaire tout le monde.  «  Oui, monsieur le directeur! Oui, monsieur l'ingénieur! »
Le Carême de l'établissement alimentaire d'Épinac, le père Lanus, qui fait bouillir ses gamelles avec une exactitude militaire, prêt à l'heure, inflexible sur la remise des jetons qui sont les équivalents des plats qu'on demande, ne faisant crédit à personne, mais donnant aussi à chacun sa juste part; et le Figaro de la houillère', à la fois infirmier et barbier, qui a été au siège de Rome comme Pierre Lhôte au siège de Constantine, et qui cumule, comme les barbiers espagnols, saignant et rasant à la fois, sont encore des types, plus pacifiques il est vrai que les précédents, mais qu'il ne faut pas oublier parmi ceux de cet intéressant district.

Les mineurs abattant le charbon


Et maintenant, après avoir parlé des houilleurs, me sera-t-il permis de parler des gens du pays, des Épinaciens, ces anciens vassaux du seigneur d'Épinac qui, comme tant d'autres, a fait ses malles en 1789, et n'est jamais plus revenu. Mais les Épinaciens sont chatouilleux, et ne veulent pas qu'on parle d'eux ni en bien ni en mal.
La cité d'Épinac est, du reste, comme cette académie de province que cite Voltaire (l'Académie de Marseille, je crois), si sage qu'elle n'a jamais fait parler d'elle. Rabattons-nous donc sur M. le maire, personnage administratif, et sur lequel nous pouvons peut-être glisser un mot. Un fin matois que ce maire de canton, dont je ne veux pas blâmer les actes, mais présenter seulement ici la carte photographiée. Le jour où j'allai lui rendre visite, je le rencontrai conférant avec le gendarme et le commissaire de police, deux autres autorités de l'endroit. Il les recevait en audience chez lui, dans une petite chambre qui s'ouvrait sur une basse-cour, le tout donnant sur la route. D'un côté la cheminée, à fleur de sol et à la hotte proéminente, sous laquelle se prélassait la crémaillère qui se projetait contre des briques noircies; de l'autre côté, un antique bahut en noyer, sans doute bourré de linge; au fond, un lit au couvre-pied piqué et de couleur bariolée.
Le maire sur le chef avait un casque à mèche.
« Et moi aussi, j'ai un chapeau, dit-il en me voyant, mais je le garde pour les grands jours. » J'échangeai quelques politesses avec ce premier magistrat du pays en blouse bleue. C'est lui qui, là comme partout, mène les campagnes électorales, fait réparer l'église et les fontaines, empierrer les chemins vicinaux, et règle la prestation en nature, ce dernier reste de la corvée.
L'alcade d'Épinac a une haute idée de sa personne; volontiers il se croirait inamovible comme un juge:
« Les préfets, ça change comme les almanachs, dit-il; mais les maires, c'est différent, parce qu'ils sont propriétaires. »
Puisque je cite les illustrations épinaciennes, me sera-t-il permis de faire aussi entrer dans celte galerie, dans le cas où elle tenterait un jour quelque Plutarque départemental, le brave et digne Larcher, natif d'Épinac, aujourd'hui établi au Creusot, à la fois papetier, libraire, photographe, imprimeur, lithographe, expert en écritures, que sais-je encore? Cet homme s'est fait tout seul, et un jour où je l'emmenais du Creusot dans l'Autunois pour y prendre quelques photographies (celle qui a servi au dessin du château d'Épinac est de lui), il me racontait sa vie naïvement, modestement. Il a commencé par garder les troupeaux, ni plus ni moins que Sixte-Quint; puis, s'il n'est pas arrivé à être pape, ce qui n'est peut-être pas un mal pour lui, il ne s'est pas moins élevé peu à peu, apprenant seul à lire, à écrire, à calculer, dirigeant plus tard une école et donnant des leçons d'écriture. Il est passé maître en calligraphie. Aujourd'hui c'est un des notables du Creusot. Il vend des livres, il en imprime, il lithographie, il photographie des cartes, des plans, des vues, des portraits.
Aussi ne quitte-t-il pas volontiers son atelier où il est si affairé, et avait-il hâte d'avoir fini avec moi sa besogne. Le long du chemin, dans l'intervalle que lui laissait le récit de ses aventures, il trouvait que la voiture n'allait pas· assez vite, et qu'il aurait plus tôt fait d'aller à pied. Le lendemain, même affaire; c'était le soleil qui ne se levait pas assez tôt pour permettre au photographe d'opérer. Larcher, s'il l'avait pu, aurait commandé à Phœbus de se lever en novembre à la même heure qu'au mois de juin.
Comme on le voit, il n'est si petit coin en ce monde qui n'ait son histoire et ses hommes. Tout dépend du point de vue où l'on se place, et du lieu vers lequel on dirige l’objectif. Cette comparaison est sensée, direz- vous, et vient à propos en parlant d'un photographe. Tout vient à point à qui sait attendre, répondrai-je, même la fin qui couronne l'œuvre, car c'est par là que je voulais finir, au moins cette première étape.

Texte publié dans LE TOUR DU MONDE - XV - 376e LIV. - 1867 - Les gravures sont celles qui accompagnaient le texte d'origine


Louis Laurent SIMONIN (1830-1886)
Ancien élève de l'Ecole des Mines de Saint-Etienne (sorti en 1852).
Né à Marseille.
Il occupe diverses positions dans des mines en Italie et en France. Il voyage beaucoup aux Etats-Unis et dans divers autres pays.
Il écrit divers ouvrages dont "La vie souterraine : Les mines et les mineurs" (1867) qui aurait inspiré le livre "Germinal" de Emile Zola. Il raconte son "Voyage à l'île de la Réunion" (1861), son "Voyage aux mines de Cornouailles" (1862), "Une excursion dans les quartiers pauvres de Londres" (1862), "Les grands ports de commerce de la France" (1878), et divers voyages aux USA, concernant notamment la ruée vers l'or en Californie, et l'Histoire de l'exploitation des mines de Toscane (1858)
Il fut titulaire de la chaire de géologie de l'École spéciale d'architecture.

(d'après http://annales.org/archives/x/simonin.html)