Les Etablissements Schneider
Economie sociale
Service médical et pharmaceutique
Après un historique du Creusot de 1253 à 1912, cet ouvrage (non signé) présente les "bienfaits" apportés par les Schneider à la population du Creusot. Véritable bible du paternalisme, on ne pourra réellement apprécier son contenu qu'en faisant un rapprochement avec le livre de Jean-Baptiste DUMAY : Un fief capitaliste.
Documents
et textes d'après
"Les Etablissements Schneider - Economie Sociale"
1912 - Lahure Ed. |
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SERVICE MEDICAL ET PHARMACEUTIQUE
La Caisse de Prévoyance instituée par MM. Schneider en 1838 - et à laquelle nous avons fait allusion à propos de la création simultanée d’Écoles - avait tout d'abord pour objectif, comme l'indique le premier article des statuts, « d’assurer tous les ouvriers des Usines, à leurs femmes et à leurs enfants (jusqu'à l'âge de 12 ans), les secours médicaux dont ils pourraient avoir besoin ». Les veuves et les orphelins d'ouvriers avaient également droit à ces secours.
MM. Schneider fournissaient à la Caisse de Prévoyance, en dehors d’une subvention en argent, les locaux nécessaires pour le logement du médecin et du pharmacien et pour l'installation de la pharmacie, ainsi que tous les médicaments. Le surplus des ressources de la Caisse provenait d'une retenue de 2 %, prélevée sur les traitements ou salaires du personnel, et des quelques amendes prévues alors par le règlement.
Un rapport, publié en 1861, au sujet de certaines modifications apportées aux statuts de la Caisse de Prévoyance, qui possédait un fonctionnement autonome, prouve qu'au point de vue notamment du service médical les résultats n’avaient pas trompé les espérances. Le nombre des médecins avait été augmenté, en proportion du chiffre de la population, et, pendant vingt-trois ans, aucune épidémie n'avait sévi sur la ville, dont l'état sanitaire était excellent. (Il y avait alors un médecin en chef, deux médecins pour la ville et un pour la campagne environnante.)
L'institution fonctionna, dans ces conditions, jusqu'en 1872; à cette date, la Caisse de Prévoyance, dont la situation financière n'était point au niveau des services rendus, fut liquidée. MM. Schneider payèrent le déficit et prirent dès lors à leur charge tous les frais du service médical et pharmaceutique, pour l'ensemble de leur personnel, sans aucune retenue sur les traitements ou salaires.
Depuis cette époque, pour les Usines du Creusot et pour les autres Établissements voisins, Montchanin, Perreuil, Mazenay, houillères de Decize, les soins et les médicaments sont assurés à tous les ouvriers embauchés et à leur famille, aux employés et à leur famille (après trois mois de présence sur les contrôles du personnel), aux veuves d'ouvriers ou d'employés et aux agents retraités.
Chaque agent reçoit une carte d'identité et un livret médical, sur lequel sont inscrits les noms des membres de sa famille appelés à participer aux mêmes immunités que lui. Ces immunités s'étendent à sa femme, à ses enfants âgés de moins de quinze ans, ou à ceux plus âgés qui achèvent leurs études dans les Écoles Schneider, à ses parents et à ses beaux-parents, s'ils sont infirmes, à sa charge et s'ils habitent avec lui.
Tous les ayants droit d'un livret ont la faculté de recourir aux consultations des médecins désignés de leur circonscription. Ils doivent s'y présenter en personne, sauf s'il s'agit d'un état prolongé que le médecin suit régulièrement. Les consultations ont lieu, chaque jour, à des heures fixes, en partie pendant la sortie de midi des ouvriers, qui peuvent ainsi en profiter sans empiéter sur leur journée de travail. Le livret médical donne également accès à la consultation chirurgicale journalière de l'Hôtel-Dieu.
De plus, chaque agent et les membres de sa famille, inscrits sur son livret, peuvent appeler chez eux les médecins de leur circonscription, quand leur état ne leur permet pas de se rendre ou d'être amenés à la consultation journalière.
La ville du Creusot et ses environs immédiats sont divisés en quatre circonscriptions, auxquelles sont affectés un ou plusieurs médecins attitrés, indépendants de ceux du service hospitalier. Ces médecins relèvent directement des Établissements Schneider et ils doivent se consacrer exclusivement aux membres du personnel et à leur famille. De plus, comme un nombre important d'ouvriers habitent dans une zone de trente kilomètres de rayon autour du Creusot, six médecins, répartis dans cette région et en habitant les principales agglomérations, sont désignés pour assurer le service médical de la circonscription qui leur est attribuée.
Toutes les ordonnances sont exécutées sans frais par la pharmacie de l'Hôtel-Dieu et par un poste de distribution situé au centre de la ville. Ces ordonnances sont consignées sur le livret médical. Il est interdit de remettre les médicaments à des enfants âgés de moins de quinze ans et non accompagnés. Pour les circonscriptions éloignées, les titulaires des livrets peuvent, en cas d'urgence et sur avis conforme du médecin, s'adresser à un pharmacien local qui leur délivre gratuitement les remèdes prescrits.
Les quelques chiffres suivants, relatifs aux quatre dernières années, montrent l'importance actuelle des services rendus par cette organisation:
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1908 |
1909 |
1910 |
1911 |
Consultation de cabinet |
54 175 |
55 578 |
58 228 |
59 350 |
Visites à domicile |
15 053 |
16 292 |
13 785 |
15 518 |
Ordonnances gratuites délivrées |
70 698 |
72 083 |
72 108 |
78 446 |
Pour compléter cette œuvre de protection de la santé ouvrière, MM. Schneider ont institué, au Creusot, un service de garde-malades à domicile. Depuis 1897, ils ont, dans ce but, fait appel aux Religieuses Franciscaines de Montfaucon-du-Velay. Non seulement celles-ci se consacrent aux ouvriers de l'Usine, mais, dans la mesure où elles peuvent être libres, elles donnent également leurs soins aux habitants nécessiteux du Creusot et des environs, et même aux étrangers en résidence temporaire au Creusot.
Le service des Sœurs, absolument gratuit pour les familles visitées, comporte la garde, de jour et de nuit, des malades et des blessés, les démarches nécessaires pour assurer, en temps utile, l'intervention du médecin et la délivrance des remèdes, l'exécution précise et rigoureuse des prescriptions médicales. Enfin les Sœurs, et ce n'est souvent pas là la part la moins astreignante de leur mission, s'occupent des enfants et du ménage de leurs malades ou de ceux qui sont en traitement à l'Hôtel-Dieu.
Les ouvriers qui désirent recourir aux Sœurs n'ont qu'à s'adresser directement à elles, sans autre formalité. Pour hâter leur intervention, les Établissements Schneider mettent à la disposition des Sœurs une automobile qui les conduit chez les malades et les en ramène. Actuellement douze Sœurs se partagent une tâche d'autant plus lourde que la population ouvrière recherche avidement leurs soins. Cet effectif les oblige à se réserver entièrement aux ouvriers et aux familles indigentes.
Maladies professionnelles. - Les diverses industries des Établissements Schneider ne sont point de celles qui, par la nature même du travail accompli, provoquent chez les ouvriers quelqu'une de ces tristes maladies professionnelles, parfois si difficiles à combattre. D'autre part, nous avons vu comment de multiples mesures d'hygiène sauvegardent, dans la plus large mesure possible, la santé du personnel.
Nous ajouterons seulement quelques indications relatives à l'ankylostomiase, qui a si vivement préoccupé, depuis un certain nombre d'années, les centres houillers.
Dès que la contamination des mineurs de certaines houillères par le ver ankylostome fut révélée, les Établissements Schneider s'occupèrent de faire examiner le personnel de leurs Mines du Creusot, de Decize et de Montchanin.
A Montchanin, pas un seul cas ne fut découvert ; aux houillères de Decize, on constata quelques cas isolés, très bénins d'ailleurs, et, grâce aux précautions prises, les examens ultérieurs prouvèrent qu'il n'y avait à redouter aucune extension de la maladie. Ces mines sont donc pratiquement indemnes.
Par contre, on trouva, au Creusot, une proportion d'ouvriers contaminés voisine de 25 %. Tout le personnel de la houillère fut l'objet d'une surveillance spéciale et, à la suite des soins donnés, 80 % des ouvriers atteints ont été guéris : actuellement moins de 5 % des mineurs ont encore besoin d'être surveillés.
Des observations médicales, répétées et minutieuses, ont prouvé que, dans les houillères du Creusot, la maladie s'est toujours présentée sous une forme pour ainsi dire inoffensive. Des analyses comparatives de sang, prélevé sur des sujets sains et sur des ouvriers contaminés, ont permis de reconnaître, contrairement à ce qui se passe dans les mines où le mal revêt sa forme la plus active, que les uns et les autres avaient le même nombre de globules rouges et que ces globules possédaient la même valeur globulaire en hémoglobine. Des ouvriers en traitement, et mis en observation prolongée, n'ont pas révélé de symptômes d'anémie spéciaux. En réalité, on pourrait dire que l'on a constaté l'existence de « porteurs de vers », mais non celle de « malades ».
Toutes les mesures de prophylaxie voulues ont, cependant, été prises pour l'hygiène du fond de la mine. De même, au jour, les anciennes piscines ont été remplacées par un poste de bains-douches, analogue à celui des autres services, mais comportant, de plus, un vestiaire pour les ouvriers.
Enfin, l'Hôtel-Dieu du Creusot est doté de tous les moyens d'investigation et peut appliquer toutes les méthodes curatives.
Malgré ce caractère de bénignité de la maladie dans leurs houillères, les Établissements Schneider ont fait participer, il y a quelques années, le Chef de leur service d’hygiène à une très importante mission d’étude, instituée par un certain nombre de sociétés minières françaises, et qui après un stage à l’Institut Pasteur, a poursuivi ses recherches sur l’ankylostomiase dans les centres où le mal a fait le plus de ravages et a été le mieux combattu : à Valenciennes, à Bruxelles, à Mons et à Bochum.
Grâce à cet ensemble de dispositions, il est à prévoir que, d’ici peu d’années, toute trace de vers ankylostomes aura disparu du Creusot.
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