Les Etablissements Schneider
Economie sociale
La formation professionnelle
Après un historique du Creusot de 1253 à 1912, cet ouvrage (non signé) présente les "bienfaits" apportés par les Schneider à la population du Creusot. Véritable bible du paternalisme, on ne pourra réellement apprécier son contenu qu'en faisant un rapprochement avec le livre de Jean-Baptiste DUMAY : Un fief capitaliste.
Documents
et textes d'après
"Les Etablissements Schneider - Economie Sociale"
1912 - Lahure Ed. |
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LA FORMATION PROFESSIONNELLE
La question de la formation professionnelle des ouvriers est une de celles qui, depuis de nombreuses années, préoccupent le plus le monde du travail et sollicitent vivement, tant à l'étranger qu'en France, l'attention des pouvoirs publics.
Grâce à une organisation très ancienne, les Établissements Schneider ont peu ressenti les effets de la « crise de l'apprentissage ». Pour maintenir le niveau de leur personnel ouvrier, ils n'ont eu qu'à mettre en harmonie avec les progrès industriels le système dont une longue expérience leur a permis d'apprécier les résultats.
Observons d'ailleurs que les Établissements Schneider n'ont pas d'apprentis au sens strict du mot, les élèves de leurs Écoles d'enseignement professionnel devenant, aussitôt après la fin de leurs études, des élèves-ouvriers, qui reçoivent, dès le premier jour, un salaire.
Dès 1836, MM. Schneider songèrent à la formation des jeunes ouvriers, et l'un de leurs premiers actes fut d'ouvrir l'« École Communale et Industrielle », appropriée, suivant les termes mêmes des fondateurs, aux différentes industries de l'Établissement. L'instruction théorique et pratique, donnée par cette école, devait être suivie, à la fin de la scolarité, d'une éducation technique et manuelle à l'atelier.
C'était l'époque où les plus clairvoyants commençaient à s'apercevoir que la suppression des Corporations et, par suite, des écoles professionnelles de l'ancienne France, - qui, malgré des abus, avaient, par tradition, maintenu le niveau de la formation ouvrière, - était la cause, encore insoupçonnée par beaucoup d'esprits, de cette décroissance progressive dans la valeur de la main-d'œuvre, particulièrement sensible à une heure de Renaissance industrielle.
Pour réagir, des Sociétés se formèrent, à partir de 1832, dans certaines villes, à Nantes, à Rennes, à Lyon, afin de donner aux jeunes gens une solide instruction technique. Bientôt, l'initiative privée de quelques industriels accentua le mouvement et MM. Schneider en furent parmi les premiers promoteurs.
Malheureusement, l'exemple fut peu suivi : aux tendances individualistes de la masse vinrent s'ajouter les effets de la transformation profonde des conditions économiques, de la création des grandes Usines, et de l'extension du machinisme, entraînant la division à l'infini du travail.
La simplicité du travail aux machines-outils, le désir des parents d'obtenir pour leurs enfants un gain immédiat, la possibilité d'utiliser une main-d'œuvre moins coûteuse, firent trop oublier les fâcheuses conséquences d'une formation insuffisante, parfois même nulle, et de nombreuses enquêtes officielles successives (enquêtes de 1848, de 1863-64, de 1872, de 1901-1902) ne purent que constater à la fois l'augmentation constante du nombre d'enfants, de jeunes gens et de jeunes filles, employés par l'industrie, et la diminution de leur valeur professionnelle.
Et cependant ceux qui, dès la première heure, avec une vision très nette de l'évolution commencée, avaient cherché à enrayer le mouvement, trouvèrent des solutions fécondes, susceptibles de conjurer la crise. Nous allons examiner comment la situation s'est présentée et se présente encore actuellement au Creusot.
Dans son rapport de 1910, à la Chambre de Commerce de Paris, rapport que l'on déclarait récemment « le bréviaire de tous ceux qui désirent s'occuper des questions d'apprentissage » et auquel nous aurons à nous reporter à plusieurs reprises, M. de Ribes-Christofle répartit renseignement professionnel en trois périodes :
- La période primaire, à l'école primaire.
- La période complémentaire, soit à l'école primaire, soit dans les cours spéciaux, soit à la première classe des cours techniques.
- La période professionnelle, aux cours professionnels généraux ou aux cours spécialisés (cette troisième période est remplacée, pour les jeunes gens, aux Etablissements Schneider, par leur temps d'embauchage comme élèves-ouvriers).
Une des difficultés qui se présentent, en France, au point de vue de la bonne formation première du jeune ouvrier, provient de la fin hâtive des études primaires, sur lesquelles doit, en réalité, s'appuyer tout enseignement ultérieur.
Comme on le sait, d'après la loi du 28 Mars 1882, l'enfant est libéré normalement à l'âge de douze ans, et il peut même l'être à onze ans (art. 6 de la loi) s'il a obtenu son certificat d'études. En présence du nombre de certificats, si facilement accordés avant l'âge normal, il est interdit, depuis le 13 Janvier 1910, de délivrer le certificat d'études avant douze ans révolus. Même avec cette limite plus stricte, on peut toujours se demander si l'âge de douze ans est suffisant comme terme de la période primaire, prolongée en maints pays jusqu'à treize et quatorze ans.
En dehors d'ailleurs de la question d'instruction, la limitation de la fréquentation scolaire a, dans bien des cas, au point de vue moral, le grave inconvénient de laisser une période d'inaction entre la sortie de récole et rentrée à l'atelier.
Les Groupes Élémentaires des Établissements Schneider, qui ont adopté le programme d'enseignement primaire des écoles publiques, sans lui adjoindre l'amorce d'un enseignement professionnel, gardent la plupart des enfants au moins jusqu'à douze ans, toute question d'obtention du certificat d'études mise à part. Le seul but poursuivi est de parvenir à une instruction primaire solide.
La fin de la période primaire a, du reste, ici, une moindre importance, puisque cette période fait partie d'un plan d'ensemble et constitue le premier échelon de divers cycles de formation professionnelle. La grande majorité des enfants admis dans ces écoles ne les quittent que pour entrer au Groupe Préparatoire ou au Groupe Spécial, où les Établissements Schneider recrutent exclusivement leurs élèves-ouvriers. Cette règle, impérative aujourd'hui, subissait autrefois une dérogation pour le seul cas, examiné plus loin, des petits manœuvres de la forge et de la mine. Cependant ces derniers prolongeaient leur séjour à récole primaire jusqu'à leur admission à l'Usine et l'on évitait ainsi, même pour eux, le vagabondage des rues et ses conséquences.
L'obligation d'une fréquentation scolaire complémentaire et professionnelle est à la fois avantageuse pour l'industrie, à laquelle elle apporte des éléments mieux préparés, et pour l'ouvrier, qui peut prétendre à un avenir meilleur. Cette obligation devient d'ailleurs de plus en plus un principe généralement admis. Elle est imposée en Autriche, par le Gouvernement ou les corporations, en Allemagne, par les prescriptions mêmes, très serrées, du Code Industriel, et dans la Suisse Allemande. En Belgique et dans la Suisse Française, la plupart des patrons exigent de leurs apprentis ou de leurs jeunes ouvriers des certificats ou des diplômes qui impliquent en quelque sorte l'obligation.
En France, où le principe de l'obligation fut pendant longtemps très discuté, tant par l'industrie que par les pouvoirs publics, au nom du libéralisme ou en raison de la gène qu'il apporterait dans certaines professions, il rallie maintenant la grande majorité des suffrages éclairés, « à condition de l'appliquer avec la souplesse et les égards qu'impose la variété des exigences des diverses industries et sous réserve de certaines restrictions ».
De fait, cette obligation devient surtout facile et féconde si elle est « organisée dans la profession ». C'est le cas pour les Établissements Schneider.
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Les enfants entrent, au sortir des Groupes Élémentaires du Creusot, et suivant leurs mérites, soit au Groupe Préparatoire, soit au Groupe spécial, dont nous avons étudié le fonctionnement. Ces Groupes remplissent, à la fois, le rôle de classes post-scolaires et d'écoles professionnelles. Ce sont, comme nous l'avons vu, de véritables écoles et non de simples cours complémentaires, accompagnant, pendant quelques heures par semaine, une formation manuelle à l'atelier.
Le fait est d'autant plus intéressant à signaler, vu les résultats obtenus, qu'il vient contredire l'opinion de la plupart des spécialistes en matière de formation professionnelle. Ceux-ci admettent que les écoles sont, à tous égards, une institution d'un moins bon rendement que les cours. L'expérience prouve qu'ils ont raison dans un grand nombre de cas, surtout s'il s'agit de la petite et de la moyenne industrie. Mais leurs conclusions ne paraissent plus également valables s'il s'agit d'un Établissement ou d'un groupe d'Établissements voisins de même ordre, ayant un personnel assez important pour que l'on puisse constituer, sur une vaste échelle, une organisation scolaire professionnelle autonome et spécialement orientée en vue de leurs fabrications.
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Dans cette dernière hypothèse, on parvient à échapper à la plupart des écueils qui ont fait justement condamner le principe de beaucoup d'écoles professionnelles, d'ordre privé ou officiel.
Tout d'abord, l'enseignement donné dans les Écoles Schneider étant absolument gratuit, tant pour les familles étrangères au personnel que pour celles en faisant partie, on ne peut faire à ces écoles le reproche de ne s'adresser qu'à une faible minorité. De plus, malgré les sacrifices, certainement élevés, consentis par MM. Schneider, le budget de ces Écoles est loin d'atteindre les taux cités pour bien des écoles professionnelles, et l'on peut ainsi y admettre des enfants en nombre suffisant pour correspondre aux besoins en élèves-ouvriers.
D'un autre côté, la durée des études est variable et proportionnée à la difficulté des postes à atteindre : elle est de un ou deux ans au Groupe Préparatoire et varie, au Groupe Spécial, de deux à trois ans pour les futurs élèves-ouvriers (la quatrième année de séjour au Groupe Spécial ne préparant que des employés).
Dans tous les cas, étant données les limites d'âge imposées par le règlement, les jeunes gens arrivent assez jeunes à l'atelier pour y acquérir toute la dextérité de main nécessaire. Et l'enseignement des écoles n'est pas étendu au préjudice de la formation technique qui, après l'embauchage, sera largement développée pour tous et se trouvera même plus profitable, puisqu'elle s'adressera à des sujets plus aptes à en saisir la portée.
A un autre point de vue, la fréquentation scolaire n'est pas une perte pour les familles, puisque les enfants, dès qu'elle est terminée, obtiennent un salaire qui, à égalité d'âge, devient rapidement plus rémunérateur que celui de la moyenne des jeunes gens ayant fait un apprentissage ordinaire.
Un grave reproche, également adressé à un certain nombre d'écoles professionnelles, est leur faible rendement pratique en élèves persévérant dans leurs études, pendant toute leur durée, et persévérant ensuite dans la voie à laquelle elles préparent.
« D'après les statistiques officielles, sur 55 élèves, reçus en 1900 à la section du meuble de l'École Boulle (une des plus importantes écoles professionnelles de la Ville de Paris), 29 seulement ont terminé en 1904 leurs quatre années d'études ; dans la section du fer, en 1900, 44 élèves étaient entrés, 19 seulement ont achevé leurs études, et encore faut-il observer qu'une grande partie des élèves diplômés renoncent à la profession qu'ils sont censés avoir apprise à l'école. »
« D'après une statistique de M. Marsoulan, conseiller municipal de Paris, statistique qui date de 1904, le déchet serait le suivant dans les diverses Écoles municipales : École Boulle, 67 % ; Ecole Bernard Palissy, 50 % ; École Germain-Pilon, 55 % ; École Estienne, 50 %. »
Le rendement des écoles d'enseignement complémentaire et professionnel du Creusot est, au contraire, fort élevé. Depuis la création du Groupe Préparatoire, en 1900, plus de 80 % des enfants admis ont été embauchés comme élèves-ouvriers ; et nous avons vu que, pour le Groupe Spécial, plus de 86 % des élèves deviennent membres du personnel de l'Usine.
Enfin, on accuse souvent les écoles professionnelles « de donner une éducation faussée dans bien des cas, parce qu'elle retarde sur l'évolution ascensionnelle et changeante de l'activité humaine. » Cet écueil se trouve évité dans les Écoles Schneider. L'Usine, qui a en vue la formation de son propre personnel et dont la proximité facilite la tâche, fait revoir fréquemment les programmes et les modifie suivant les besoins nouveaux. De plus, par suite de l'esprit traditionnaliste des ouvriers, l'action de la famille constitue une précieuse collaboration. Le père, qui depuis longtemps travaille dans l'industrie où entrera son fils, qui a une expérience approfondie du métier, qui est chaque jour en contact avec les dernières méthodes de travail se trouve vraiment qualifié pour coopérer à l'œuvre éducatrice. Cette collaboration vise surtout, bien entendu, la partie pratique de l'enseignement. L'examen sommaire des programmes nous a permis de voir que, pour le complément de formation intellectuelle, une large place est réservée aux études théoriques, « d'une importance majeure parce que, seules, elles font de l'ouvrier un organe intelligent, capable de progrès, dominant son travail et à même de le transformer à la lumière des idées générales. »
A la sortie des écoles, les élèves choisissent leur travail d'après leur ordre de mérite. Toutefois, avant d'en prendre possession, ils doivent subir une visite médicale, devant le chef du service d'hygiène des usines, auquel ils présentent la fiche sanitaire qui les a suivis pendant toute la durée de leur scolarité.
On peut ainsi apprécier, en toute connaissance de cause et dans
l'intérêt même des enfants ou jeunes gens,
s'ils peuvent, tant par leurs antécédents que
par leur état actuel,
entreprendre fructueusement, et sans danger
pour leur santé, la tâche à laquelle ils prétendent.
Si le résultat de cette visite est favorab1e, ils deviennent aussitôt membres titulaires du personnel, au
titre d'élèves-ouvriers, et avec un salaire minimum d'environ un franc par jour : ce salaire est graduellement augmenté, en proportion du développement de la valeur professionnelle. Malgré les sacrifices consentis en leur faveur pendant toute la période scolaire, on n'exige des élèves-ouvriers aucun engagement d'une durée quelconque. Régis par le même contrat de travail que les ouvriers adultes, ils sont libres de quitter l'atelier à toute époque.
Il faut d'ailleurs reconnaître qu'ils commencent leur vie de travail manuel dans d'excellentes conditions d'entraînement moral. Désireux de ne pas déroger à l'ambiance familiale de probité et de capacité industrielle qui les entoure, soutenus par l'émulation des concours qui ont échelonné leurs années d'études, ils y apportent la volonté d'acquérir cette habileté de main et cette acuité d'esprit qui leur permettra de faire mieux et plus vite leur chemin.
La réglementation minutieuse du travail des mineurs, dans les établissements industriels, par les lois sociales promulguées depuis vingt ans, n'a pas amené de modification sensible dans la formation des élèves-ouvriers du Creusot et n'a pas eu pour eux les répercussions fâcheuses constatées ailleurs, par ce fait même que, sous plusieurs rapports, les dispositions de ces lois ont simplement consacré des mesures prises depuis de longues années par les Établissements Schneider.
Ainsi, la loi du 2 novembre 1892 sur le travail des enfants, des filles mineures et des femmes avait, en particulier, pour but de fermer la porte de l'usine à l'enfant qui, par suite de son jeune âge, n'est pas assez formé pour travailler, et de limiter à dix heures, au-dessous de seize ans, la durée journalière du travail pour celui ayant l'âge requis. Or, les Établissements Schneider n'embauchent les enfants qu'à l'âge de quatorze ans, et, d'autre part, ils ont, de leur plein gré, accordé depuis quarante ans la journée de dix heures, même à leur personnel adulte.
La loi du 9 avril 1898, sur les accidents du travail, qui assimila les apprentis et les jeunes ouvriers au personnel adulte, au point de vue du risque professionnel, n'a pas provoqué non plus de perturbations dans le travail des élèves-ouvriers des Établissements Schneider ; ceux-ci ont toujours traité leurs élèves-ouvriers comme le reste de leur personnel, d'après des règlements adoptés dès 1838, et consacrant le principe du risque professionnel.
Seule, la loi du 30 mars 1900, qui précise la règlementation de la durée du travail et son organisation matérielle, dans le cas où des adultes sont employés concurremment avec des enfants, amena quelques modifications dans le mode de formation des élèves-ouvriers. Cette loi impose la journée uniforme de dix heures dans les entreprises où, à côté des adultes, se trouvent des mineurs de moins de dix-huit ans, sauf si les uns et les autres ne travaillent pas dans les mêmes locaux. La journée de dix heures étant la règle (exception faite pour les services à feu continu) dans les Établissements
Schneider, la loi ne soulevait pas de difficultés de principe : toutefois, comme
il peut être nécessaire, pour
des travaux urgents, de doubler les équipes, ou de faire
seulement quelques heures
supplémentaires, on a dû
appliquer l'article relatif
aux locaux séparés.
Autrefois, les élèves ouvriers étaient simplement versés dans les équipes des divers ateliers, où ils se trouvaient, au contact des ouvriers expérimentés, dans les meilleures conditions pour poursuivre leur éducation technique. Actuellement, ils sont réunis dans des locaux distincts, sous la direction de chefs spécialement choisis pour leurs qualités morales, en même temps que pour leurs connaissances professionnelles. Ces chefs les surveillent et les dirigent, d'une façon incessante, dans l'exécution des pièces qui leur sont confiées. Lorsqu'ils atteignent leur dix-huitième année, les jeunes gens passent normalement dans les équipes d'ouvriers adultes.
Pendant toute la période de leur formation manuelle et technique, les élèves-ouvriers ne suivent plus de cours, un enseignement théorique approprié et suffisant leur ayant été donné dans les écoles. Ils peuvent ainsi se consacrer entièrement à leur nouvelle tâche, sans avoir à assumer le surcroît de fatigue et d'attention, imposé même par les « cours de demi-temps », les plus préconisés aujourd'hui, quand il est nécessaire de compléter les lacunes de l'instruction première.
Une longue expérience a permis d'ailleurs à MM. Schneider d'apprécier les résultats obtenus par cette formation à l'atelier, où le travail est compris dans son utilité réelle et immédiate et qui réunit de jour en jour plus de suffrages. Répondant à l'enquête de la Commission permanente du Conseil Supérieur du Travail, et s'appuyant également sur l'expérience, M. Georges Picot disait à ce sujet: « Depuis trente-six ans qu'elle (la Société de protection des apprentis) s'occupe du sort des apprentis et des enfants employés dans les manufactures, notre Société a acquis la conviction que les uns et les autres ne peuvent devenir de bons ouvriers que par l'apprentissage à l'atelier. C'est, pour elle, un fait d'observation pour la généralité des professions et d'expérience directe pour plus de 200 métiers divers, dans lesquels elle a placé ses pupilles. »
La même conclusion est donnée par M. de Ribes-Christofle, dans son Rapport sur le projet de loi de 1905. Au Congrès National de l'Apprentissage, tenu à Roubaix en octobre 1911, M. le Ministre du Commerce, dans un discours prononcé à la séance de clôture, résumait l'opinion générale qui se dégageait des principaux rapports, en affirmant que l'instruction manuelle doit être reçue en principe à l'atelier.
Malgré la règle, établie par les Établissements Schneider, de ne recruter leurs élèves-ouvriers que dans leurs Écoles, ils consentaient, jusqu'à ces dernières années, dans le but de faciliter malgré tout l'accès d'une profession aux enfants ne remplissant pas cette condition, à prendre ceux-ci comme petits manœuvres à la forge et à la mine, à quatorze ans, et directement après leur sortie de récole primaire. Placés dans des postes compatibles avec leurs forces, les « gamins » s'habituaient insensiblement aux divers travaux de leurs chantiers respectifs, sous la direction de leur surveillant et du contremaître. Pour ces services, plus encore que pour les autres, dans l'industrie métallurgique, le travail dans les équipes normales est seul capable de donner une solide formation pratique et, d'autre part, on avait constaté que l'on pouvait arriver à obtenir de bons professionnels, en dépit d'une instruction première assez sommaire. Toutefois le régime actuel, imposant pour toute l'usine l'obligation
d'une période scolaire complémentaire, donne encore de meilleures garanties et des résultats plus satisfaisants.
Sans doute, les méthodes que nous venons d'examiner et les moyens de les réaliser ne constituent pas une solution générale du problème de l'apprentissage, - ou plutôt de la formation professionnelle, - et l'on ne saurait les appliquer, au moins sans certaines réserves, en dehors de la grande industrie. Même dans cette sphère, il semble bien que les résultats les meilleurs ne peuvent être obtenus sans « l'organisation dans la profession », et nous ajouterons « par la profession ».
Quoi qu'il en soit, une épreuve de 75 ans nous a montré l'efficacité très réelle de l'œuvre accomplie, et il est intéressant de constater que l'on a simplement, dès l'origine, mis en pratique les principes reconnus aujourd'hui indispensables pour enrayer une crise, qui sévit dans un certain nombre de pays avec non moins d'acuité que dans le nôtre.
Dans celles de leurs usines où MM. Schneider n'ont pas eu à créer d'écoles et subventionnent simplement les écoles communales, ils ont toutefois cherché à améliorer les conditions de la formation professionnelle des enfants et des jeunes gens. A Champagne-sur-Seine, par exemple, il a été institué, à l'école communale, avec la collaboration des ingénieurs des ateliers, un cours supplémentaire d'enseignement complémentaire et professionnel, d'une durée de deux ans. De plus, on a mis à la disposition des instituteurs des ateliers où ont lieu, sous la direction de contremaîtres, des cours pratiques, qui permettent, sans modification des programmes généraux de l'école, de développer chez les élèves les premières notions techniques de la vie industrielle.
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