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Fonderie Royale du Creuzot
La Fonderie Royale

1763, le Traité de Paris met fin à la Guerre de Sept Ans. Le bilan de ce traité est très positif pour la Grande-Bretagne qui acquiert un grand empire, il prépare la future domination anglophone du monde. La France perd son premier empire colonial et sort grande perdante de ce traité. En particulier Louis XV n'a plus de bateaux pour concurrencer les Anglais sur les mers.

Il faudra attendre les ordonnances de 1776, qui redonneront aux marins français, des vaisseaux de ligne et des frégates. On décide alors de construire à Indret une fonderie, dirigée par William Wilkinson, pour produire les pièces de gros calibre dont la marine a besoin.

William Wilkinson venait de Bersham, où il fabriquait de la fonte au coke. Il cherchait l'endroit propice pour bâtir ses fourneaux mais le Ministre, Monsieur de Sartine, envoya à Indret celui qui était venu rénover notre métallurgie, pour y fondre comme autrefois toute la vielle fonte qu'on trouvait, et en faire des bouches à feu toutes neuves... Depuis deux ans qu'on travaillait sur cette île de la Loire, deux millions avaient été dépensés sans résultat. Le gouvernement envoya alors Ignace de Wendel auprès de Wilkinson. Wendel était connu dans l'artillerie "par ses talents et ses connaissances dans tout ce qui a rapport aux fabrications des divers métaux". Il comprit que si la fonderie manquait de métal, c'est qu'on n'avait pas voulu donner à l'Anglais les fourneaux qu'il réclamait, pour y mélanger comme chez lui "la mine de fer au charbon désouffré".

Le roi n'avait pas d'argent. Wendel n'en avait pas plus... Il prit le risque, signa le bail qui lui confiait Indret pour 15 ans et chercha l'endroit où il pourrait couler la fonte au coke. C'était le 7 avril 1780.

Dans les premiers mois de 1781, Wilkinson partit pour évaluer les ressources dont pourrait disposer leur industrie. En traversant la Bourgogne, il s'arrêta à Montcenis. Wilkinson savait qu'à proximité on tirait depuis longtemps le charbon, et que'une forge créée par l'Abbé Fénelon avait fonctionné dans les environs (à Bouvier, elle était alimentée par du minerai de fer venant d'Antully). François de La Chaise venait de reprendre la concession de sa mine à la Compagnie Renard par arrêté du Conseil d'Etat. La compagnie Renard possédait aussi la forge de Bouvier et celle du Mesvrin.

Plan de la Fonderie Royale du Crozot disponible sur le site Gallica. Utilisation non commerciale autorisée dans les conditions d'utilisation des documents
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Wilkinson trouvait à Montcenis ce dont il avait besoin : un charbon donnant un coke excellent, le fer de Chalencey et Antully, et à la forge du Mesvrin des ouvriers déjà formés. François Ignace Wendel d'Hayange se rend alors à la Charbonnière (village alors proche du Creusot, disparu aujourd'hui) avec de gros capitaux, et Mr. Chardon achète la forge du Mesvrin. En 1782 la Société "Périer, Bettinger et Cie" est fondée, ses statuts reçoivent l'approbation royale le 17 septembre 1984. Mr. Périer qui venait de créer à Chaillot une usine de fabrication de machines à vapeur créait ainsi des débouchés pour son industrie. Le roi devint le principal actionnaire de la société en 1783, pour 600 000 livres, soit un douzième du capital.

Les ennuis commencent avec la construction des bâtiments. Les propriétaires des terrains où la fonderie doit se bâtir n'entendent pas se laisser faire. Ils sont déjà en procès avec François de La Chaise et espèrent bien tirer le maximum de leurs terrains. Il faudra l'intervention du procureur du baillage de Montcenis pour leur faire entendre raison. Pour trouver la pierre, ce sont les habitants de la Maronne qui s'opposent à l'estraction des pierres dans leurs propriétés. De plus les paysans refusent d'assurer le transport. Ce sera une ordonnance de l'Intendant de Bourgogne qui obligera les cultivateurs à céder.

Fonderie Royale du Creuzot en 1782
1782 - Fonderie Royale du Creuzot près Montcenis

Wilkinson amena avec lui l'usage des méreaux, ou jetons, signe de reconnaissance, laisser-passer ou encore bon-pour à échanger contre de l'argent "officiel". Ce signe conventionnel était bien commode d'emploi dans les entreprises industrielles. La légende de la tranche indiquait les comptoirs où on pouvait en exiger le remboursement.

jeton wilkinson
Quand Wilkinson vint prendre la direction de l'usine du Creusot, alors à sa naissance, il apporta des pièces à son effigie ayant au revers un forgeron qui présente sous le marteau mécanique, un morceau de fer qu'il vient de tirer du fourneau.
jeton Montcenis
Puis il les remplaça par d'autres qui continuèrent à être distribuées aux ouvriers. Elles n'ont pas de revers; elles offrent à l'avers deux L entrelacés et surmontés d'une fleur-de-lis, ce qui indique le règne de Louis XVI. Au bas se trouve le W, initiale du nom du maître de forges. Leur légende est : MINE DE MONT-CENIS.

(d'après J de Fontenay - Manuel de l'amateur de jetons - Autun - 1854)

Mr. Chardon apporte à la société les Forges du Mesvrin qu'il vient d'acheter. Les machines sont démontées et transportées à la charbonnière. Mr. Wilkinson fournit d'autres machines, la construction des bâtiments est sous la direction des frères Rimbaud, architectes, celle de la fonderie et de quatre hauts-fourneaux commence sous la direction de Mr. Touffaire, ingénieur.

L'artiste parisien Fillerin est chargé de l'ornementation, il réalise en particulier un trophée d'armes placé au fronton du principal bâtiment de la fonderie. Une plaque de cuivre, retrouvée lors de la démolition de ces bâtiments montre bien l'importance donnée aux nouveaux établissements :

L'an de l'ère chrétienne 1782,
le huitième du règne de Louis XVI,
pendant le ministère de Monsieur le Marquis de la Croix-Castries,
M. Ignace-Wendel de Hayange, commissaire du Roy,
M. Pierre Touffaire, ingénieur
cette fonderie, la première de ce genre en France, a été
construite pour y fondre de la mine de fer au coak,
suivant la méthode apportée d'Angleterre
et mise en pratique
par M. Wilkinson

Le nouvel établissement prend le nom de Creusot, et la direction est confiée à M. Wendel et à M. Dulubre. Les hauts-fourneaux sont achevés en 1784, la première coulée a lieu le 11 décembre 1785. Ces hauts-fourneaux étaient les plus importants de l'époque. Ils mesuraient 39 pieds de haut pour 10 pieds de diamètre (contre 18 à 20 pieds de hauts pour les installations de l'époque). Ils pouvaient couler 100 tonnes de fonte par mois. Dans un autre bâtiment se trouvait la forerie qui pouvait percer 4 canons à la fois. Plus tard le nombre de foreuses passera à 12. Plusieurs machines à vapeur, des marteaux, des soufflets ... complétaient la nouvelle usine.

Des immeubles avaient également été construits pour loger les ouvriers, contremaîtres, directeurs et pour l'administration. En fait cet établissement était le plus important de l'époque et comme en témoigne le plan conservé à la Bibliothèque Nationale (voir en haut de cette page), Le Creusot possédait le premier chemin de fer en France.

Sceaux de la Fonderie du Creuzot
Ce chemin de fer fut d'abord construit... en bois, il se composait de traverses espacées d 'environ un mètre, sur lesquelles étaient fixées, à l'écartement des roues de chariots, des longerons de bois dur. Plus tard, des barres de fonte viendront renforcer les longerons en bois. La traction était assurée par des chevaux, mais grâce aux rails mis en place, un seul cheval pouvait tirer de 5 à 6 chariots. La production de ces usines dépassait tout ce qui se faisait à l'époque (sauf en Angleterre). Les hauts fourneaux pouvaient produire annuellement 5 000 tonnes de fonte, 3 000 pièces de canons de 120mm et 1 800 pièces de 155mm. Les essais des canons se faisaient sur la "Montagne des Boulets", en bas de la Marolle, qui a ainsi acquis son nom.

L'usine fonctionne mais atteint à peine la moitié de ses possibilités. La fonte est aussi trop irrégulière pour qu'Indret puisse s'en servir et longtemps la fonte sera vendue à la Compagnie des Eaux, sous forme de conduites destinées à alimenter Paris en eau. Les frais de transport élevés grèvent les prix et plombent les ventes. D'autre part l'approche de la crise révolutionnaire fait sentir ses effets et paralyse les affaires.

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La Cristallerie de la Reine - le Creuzot - 1785









Cristallerie de la Reine MArie-Antoinette
Le Creuzot - 1785
Le Creusot a bien encore pour subsister le charbon qu'il tire des puits de François de La Chaise et qu'il vend à la cristallerie de la reine, depuis que cette manufacture a quitté le parc de Saint-Cloud pour s'installer à la charbonnière. Wendel n'a plus d'argent et le roi tarde à verser les 600 000 livres qu'il a promises. Il songe à créer une société pour exploiter les fonderies d'Indret et du Creusot, ainsi que la cristallerie de la reine. Le 1er janvier 1987, nait une nouvelle société : "Fonderies Royales d’Indret et de Montcenis et Manufacture des Cristaux de la Reine" dont Sa Majesté , en son Conseil d'Etat approuva les statuts. Le capital fut partagé en 4 000 actions. le roi en reçut 333 en remboursement des avances consenties. Le reste fut réparti entre les administrateurs et bailleurs de fonds. Il en resta 720 qui furent vendues pour procurer de l'argent à la fonderie et lui permettre de survivre. Les établissements du creusot sont à cette époque dans une situation critique et ce sont les évènements de la Révolution qui ramèneront l'activité dans les usines. Elles travaillent alors à plein pour la Défense Nationale.

 

LA FONDERIE PENDANT LA REVOLUTION ET LES GUERRES DE L'EMPIRE

Alors commença pour Le Creusot une difficile et cahotante vie au travers des bouleversements de la Révolution et des guerres de l'Empire, un demi-siècle d'échecs et de maigres réussites jusqu'à ce matin de 1837 où les frères Schneider le sauveront de la ruine.
Au printemps de 1795, Ignace de Wendel traîne sa misère de l'autre côté du Rhin où l'a jeté l'émigration. En vain Chardon, Dulubre et Ramus ont tenté d'achever ici l'œuvre qu'il avait commencée.
La Terreur est venue. Chardon est parti puisqu'il n'y a plus de roi. Dulubre aussi, qui savait couler la fonte au coke. Le Comité de Salut Public a mis la fonderie en réquisition. Ramus reste seul et tremble maintenant de ne pouvoir satisfaire aux exigences du Gouvernement qui lui demande des armes pour la Patrie en danger.
Incapable de fondre le métal à la manière anglaise, il lui faudra prendre dans les églises tout le bronze des cloches et dans les forges de la Comté ou de la Bourgogne la fonte au bois dont il fera ses canons.
Ce sera le destin de cette Fonderie, dans les années qui suivront, de ne rien pouvoir réussir de tout ce que naguère Wendel et Wilkinson avaient rêvé. En vain le Conventionnel Noël Pointe viendra pour essayer de tirer Montcenis de sa misère. Lui aussi échouera. Il laissera Ramus au chevet de l'Usine qui va mourir dans le moment même où, à Ilmenau, au fond de la forêt de Thuringe, on porta Wendel en terre.
Le Directoire ne se soucie guère de conserver à la République cette fonderie qui n'avait jamais su lui donner les canons dont elle avait besoin. Quand le temps de la réquisition fut révolu, il ne s'opposa pas à ce qu'elle soit rendue à ses anciens propriétaires. Sérilly et Sainte-James détenaient jadis la plupart des actions émises en 1787. Les créanciers de leur faillite, à qui venait d'échoir Le Creusot, s'en débarrassèrent à vil prix. Coste, Caylus et Gévaudan devinrent, à peu de frais, les maîtres de son industrie.
Et ce fut, pour les nouveaux venus, une âpre lutte qui commença tout au long de laquelle, chaque jour davantage, Le Creusot devait réduire son train, gardant seulement, dans ses ateliers, un petit nombre d'ouvriers.
Mais voilà que Bonaparte réclame des bouches à feu : la Fonderie retourne chercher la mine de fer jusque dans la Comté, tire du charbon de trois puits qu'elle a remis en exploitation au fond de sa vallée, rallume deux fourneaux et, nuit et jour, coule la fonte.
Son destin l'a vouée aux brusques retournements.
Dès 1801, le Ministre lui demande de reporter à plus tard la fourniture qu'elle doit incessamment livrer. Acculée à la ruine, l'Assemblée générale de ses actionnaires décide le 6 Floréal An X (26 avril 1802) de louer « ensemble ou séparément ses différents ateliers, tous les bâtiments, hangars, magasins, pièces d'eau ... ».
Personne ne voulut de cette Usine qui reprit péniblement ses fabrications d'infortune. Deux fois, en 1808 et en 1813, ses propriétaires tenteront de la vendre. Le Creusot leur restera. Pourtant il s'arrachera, une fois encore, à l'implacable sortilège qui, jour après jour, le tire vers une fin lamentable.
Il choisit un liquidateur parmi les membres de son Conseil d'Administration et ce fut Jean- François Chagot, qui mit toute sa fortune à la disposition de la Fonderie. Cinq ans plus tard, l'Usine avait englouti les deux millions de francs qu'il lui avait avancés. Mais en effaçant cette créance, Chagot possédait Le Creusot dont il se rendait adjudicataire à l'audience des criées du Tribunal Civil de la Seine le 8 août 1818. Quelques années plus tard, le nouveau propriétaire associait ses enfants à la conduite de l'Etablissement et fondait, avec eux, la Société Chagot Frères et Cie.

 

LA FABRICATION DES CANONS

Fabrication des canons - Alésoir

Dans le livre "Etablissements de MM. Schneider et Cie" d'après l'ouvrage publié en Angleterre par James Dredge :

«... On a d'abord commencé par couler les canons creux. Pour cela on plaçait au milieu du moule un noyau de terre, qui était maintenu dans l'axe de la pièce par en bas, au moyen de trois branches de fer qui restaient engagées dans la matière de la culasse. Lorsque ce noyau était enlevé, il n'y avait plus, pour ainsi dire, qu'à polir l'âme avec un alésoir. A cet effet, on plaçait le canon verticalement dans un coulisseau, la bouche en bas; la basse de l'alésoir servait d'axe à un manège que deux chevaux faisaient tourner et le poids du canon le faisait descendre sur l'alésoir à mesure que le travail avançait. Pour les grosses pièces, la pression occasionnée par leur poids aurait été trop forte et on la modifiait par un contrepoids. Le noyau qui formait l'âme était sujet à se décentrer et les obstacles qu'il apportait au retrait du métal donnaient lieu à des soufflures qui rendaient parfois les pièces défectueuses.

« Plus tard, on a coulé les canons pleins et on les forait ensuite. Cette opération s'est d'abord faite verticalement, en employant un procédé du même genre que celui décrit ci-dessus pour l'alésage. Puis on a imaginé de placer les bouches à feu horizontalement et de les faire tourner elles-mêmes au lieu d'agir sur les forets. On faisait alors passer plusieurs outils les uns après les autres, chaque foret augmentant le diamètre de l'âme de 6 ou 8 lignes et, après tous les forages successifs, on passait l'alésoir. Plus tard encore on a foré en une seule opération qui donnait au canon à très peu de chose près le calibre nécessaire, le calibre exact étant obtenu par l'alésoir.

« ... Gaspard Monge, dans son remarquable ouvrage intitulé « Description de l'Art de fabriquer les canons », préparé en exécution de l'arrêté du Comité de Salut Public, du 18 pluviôse de l'An 1 de la République Française une et indivisible, mentionne à plusieurs reprises que les Usines du Creusot ont contribué, déjà à cette époque, aux progrès réalisés dans la métallurgie et la construction, spécialement pour ce qui regarde les arts militaires. »

 

(d'après A. Fargeton - Les grandes heures du Creusot au temps des Schneider - 1977
et H. Chazelle et JB. JANNOT - Une grande ville industrielle Le Creusot - 1958)