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Les Etablissements Schneider

Economie sociale

Première enfance

Après un historique du Creusot de 1253 à 1912, cet ouvrage (non signé) présente les "bienfaits" apportés par les Schneider à la population du Creusot. Véritable bible du paternalisme, on ne pourra réellement apprécier son contenu qu'en faisant un rapprochement avec le livre de Jean-Baptiste DUMAY : Un fief capitaliste.

Documents et textes d'après
"Les Etablissements Schneider - Economie Sociale"
1912 - Lahure Ed.

Economie Sociale

LA PREMIÈRE ENFANCE


Une des œuvres les plus attachantes et, en même temps, les plus fécondes en résultats, pour la protection de la santé publique, est la préservation de la première enfance : la mortalité infantile, fléau trop souvent à peine remarqué, décime impitoyablement toutes les classes sociales et frappe surtout, dans les agglomérations urbaines, les familles ouvrières.
Plus que d'autres encore, à égalité de population, les centres industriels sont victimes de ses ravages et, en dehors des prescriptions d'hygiène générale, si lentes à pénétrer dans les masses, il semble difficile, au premier abord, de la combattre efficacement.
Et cependant, des efforts méthodiques, prolongés, peuvent conduire à des résultats consolants : au lieu, d'ailleurs, de se substituer à la famille par la création de crèches, au lieu de remédier aux soins précaires, donnés par la mère à des enfants débiles, en instituant des œuvres spéciales, MM. Schneider ont avant tout cherché à placer leur personnel dans des conditions d'existence matérielle et morale susceptibles-de prévenir le mal.

Salle de la maternité du Creusot en 1912

Au mois de Janvier 1905, M. le Docteur Variot présentait, à l'Académie de Médecine, une « Note sur les causes de la faible mortalité infantile dans la ville industrielle du Creusot. »
« Lorsque la population ouvrière, disait-il en débutant, est agglomérée dans des centres plus ou moins importants, les conditions de la vie sociale deviennent très différentes de ce qu'elles sont dans les villages, où presque toutes les mères peuvent allaiter elles-mêmes leurs enfants.
« Milson Rhodes, dans une statistique dressée en 1904 pour les di vers Comtés de l'Angleterre, a établi que la mortalité infantile a son taux le plus bas, 79 à 100 pour mille, dans les régions agricoles de Rutland, de Dorset, de With et d'Oxford, tandis que cette même mortalité double et atteint jusqu'à 175 à 180 pour mille dans les pays manufacturiers, où l'on emploie un grand nombre de femmes dans les industries du coton, de la laine, des métaux, etc ... , c'est-à-dire dans les Comtés de Warwick, de Nottingham, de Stafford, de Lancashire.
« La ville industrielle du Creusot, située dans le département de Saône-et-Loire, au centre de la France, fait exception à cette règle. Les enfants, dans la première année de la vie, n'y meurent que dans la proportion de 11 % (pour une période décennale de 1893 à 1902). De plus, cette faible mortalité infantile a tendance à décroître encore, puisque, pendant les années 1900, 1901 et 1902, elle est tombée au-dessous de 9 %, c'est-à-dire au taux indiqué par Johannessen pour la Norvège. »
« Pour bien mettre en valeur la faible mortalité des nourrissons au Creusot, je rappellerai que la mortalité infantile globale, de 0 à 1 an, pour toute la France, est de 16 % environ et qu'elle s'élève jusqu'à 20 et 25 % dans certaines villes industrielles du nord de la France. »
La communication de M. le Dr Variot a donné lieu à un important Rapport de M. le Professeur Pinard, lu à la séance de l'Académie de Médecine du 25 Juillet 1905, dans lequel nous relevons les passages suivants: « Nous pouvons sûrement affirmer, sans crainte d'être contredit, que, dans la ville si industrielle du Creusot, le taux de la mortalité infantile n'est pas plus élevé que dans les pays privilégiés, sans cesse et justement donnés comme modèles : j'ai cité les pays Scandinaves. Il est moindre que dans nombre de pays réputés à bon droit les plus salubres. »
« Dans le Canton de Vaud, qui, selon l'expression du Dr J. Morax, « occupe un rang tout à l'honneur de ses conditions hygiéniques », la mortalité infantile, de 0 à 1 an, est notablement plus élevée que dans la ville du Creusot, puisque, dans la période de 1890 à 1903, elle a été de 155 décès pour 1.000 enfants de 0 à 1 an, alors qu'elle n'a été au Creusot, pendant la même période, que de 110 pour mille. »
Les statistiques des années postérieures aux travaux de MM. Variot et Pinard accusent des moyennes encore plus satisfaisantes. Pour la période 1900-1910, la mortalité infantile n'est au Creusot que de 8,60 % et, si nous considérons les 4 années 1907-1910, elle tombe au taux extrêmement faible de 7,4 %. Pendant ces mêmes périodes, d'après les renseignements officiels du Service de la Statistique Générale, le taux de la mortalité infantile, pour toute la France, s'est élevé à 13,50 % et à 12,17 %. Il est encore intéressant de noter que, malgré son agglomération industrielle, la ville du Creusot présente une mortalité infantile beaucoup plus faible que l'ensemble du département, surtout agricole, de Saône-et-Loire: pour celui-ci, en effet, de 1900 à 1910, le taux de mortalité infantile est de 11,2 % et, de 1907 à 1910, on arrive encore à une moyenne de 10 %.
Cet heureux résultat n'a pas été atteint sans une action persévérante de MM. Schneider.
Pour améliorer la santé générale de la population ouvrière, ils ont, en premier lieu, cherché à développer chez elle des habitudes de tempérance, d'ordre et d'économie qui fortifient les tempéraments, circonscrivent les ravages de la tuberculose et enrayent souvent le progrès des autres maladies constitutionnelles, dont dépend si intimement la vitalité des nouveau-nés.
De plus, ils ont toujours surveillé, avec soin, la salubrité de la ville et l'hygiène des logements.
Enfin, par une juste et rationnelle augmentation des salaires, ils ont facilité à tout ouvrier ou employé rangé le moyen de parvenir à une aisance suffisante pour que sa femme puisse rester à son foyer et élever elle-même ses enfants.
Ces conditions de vie sont bien soulignées par M. le Professeur Pinard, dans le rapport cité plus haut: « Le facteur capital, tout-puissant, qui, au Creusot, empêche les enfants de mourir dans leur première année, c'est l' élévation du salaire qui permet aux femmes de se consacrer librement à leur mission maternelle.
« Au Creusot, les femmes peuvent être vraiment mères, et voilà pourquoi cette belle ville industrielle, au point de vue de la mortalité infantile fait exception à la règle.
« Au Creusot, presque toutes les mères (plus de 80 % d'après le Dr Briau) allaitent leurs enfants. Cela dit tout. » … « Si l'on veut faire quelque chose qui soit puissamment efficace et fructueux, il est nécessaire, il est indispensable tout d'abord de faire ce que demandait la Convention et ce qu'ont réalisé MM. Schneider: Il faut permettre à la mère de donner ce qu'elle possède. »
« Au Creusot, l'on a fait plus encore pour réduire la mortalité infantile et je dois mettre en relief une autre cause agissant puissamment dans la réduction de la mortalité infantile : c'est la puériculture avant la naissance. »
Par cette expression, M. le Professeur Pinard vise les prescriptions concernant les femmes, en petit nombre d'ailleurs, occupées à l'Usine. Si quelque grossesse survient parmi elles, leur travail cesse vers le septième mois. De plus, après l'accouchement, elles ne doivent pas reprendre leur poste sans un certificat médical, constatant qu'elles le peuvent faire sans nuire à leur santé et à celle de leur enfant. Pendant l'interruption du service, ainsi rendue obligatoire, les femmes nécessiteuses reçoivent les secours indispensables.
D'autre part, la gratuité du service médical et pharmaceutique, en facilitant la fréquente intervention du médecin, permet de combattre l'esprit de routine, qui porte les habitants de nos campagnes et des agglomérations industrielles à négliger les principes les plus élémentaires de la puériculture.
Les notions, ainsi données par les médecins de l'Usine au cours de leurs consultations, sont également propagées dans des conférences publiques et par la distribution de petites brochures. Enfin, elles sont répandues dans les familles par les sœurs garde-malades et par les ouvriers- infirmiers des ateliers.
Par le fait même que la plupart des enfants sont nourris par leur mère, les Établissements Schneider n'ont pas jugé nécessaire d'établir au Creusot une « Goutte de lait ». Dans la communication, lue à ce sujet au Congrès des Gouttes de lait, tenu à Paris en Octobre 1905, M. le Dr Briau montra l'inutilité, pour ce cas particulier, d'une pareille création : « L'organisation du Creusot, au point de vue hygiène, ajouta-t-il, permet d'imaginer un état social tel que sa généralisation remplacerait les Gouttes de lait, dont il serait l'au-delà. »
Afin d'entourer d'ailleurs de toutes les garanties désirables les familles qui doivent recourir à l'alimentation artificielle pour leurs nouveau-nés, l'Hôtel-Dieu du Creusot effectue, dans son laboratoire médical, l'analyse des laits qui lui sont présentés.
L'Hôtel-Dieu possède de plus une maternité où peuvent être transportées les femmes en couches, chaque fois que cela paraît nécessaire. Cette maternité permet aussi, par l'application des méthodes du Professeur Tarnier, basées sur l'emploi de la couveuse électrique, de donner aux enfants, nés avant terme ou trop débiles, les soins spéciaux qui leur sont indispensables.
Grâce à ces différentes mesures, favorisées par un climat salubre, les familles du Creusot connaissent moins que d'autres la douleur des larmes versées près des berceaux et elles ont la joie de voir grandir près d'elles des générations d'enfants sains et robustes.

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