LE CREUSOT ET LES MINES DE SAONE-ET-LOIRE,
PAR M. L. SIMONIN.
1865. – TEXTE E T DESSINS INÉDITS
LE CREUSOT.
LA NAISSANCE D'UNE GRANDE USINE.
D'Epinac au Creusot. - Aspect de l'établissement. - Origine, progrès et transformation du Creusot.
Vue des puits St-Pierre et St-Paul de la houillère du Creusot
La route qui relie Épinac au chemin de fer de Chagny est des plus pittoresques. Nous l'avons parcourue précédemment par la brume et la pluie, et je n'ai pas parlé du paysage; car la brume ne permet guère de voir, et la pluie attriste l'esprit. Le retour fut plus gai. Me rendant à la station de Chagny pour gagner de là le Creusot, je traversai, au pas accéléré des chevaux, de riches vignobles, le gros bourg de Nolay, Change, où sont des moulins à blé, cachés dans les arbres, puis des carrières et des fours à plâtre, Santenay, fameux par ses vins, enfin j'arrivai à Chagny, où s'embranche le chemin de fer qui mène à l'usine du Creusot.
La voie ferrée se détache à angle droit de celle de Paris à Lyon. Elle longe le canal du Centre, cette route d'eau qui relie la Saône à la Loire, entre Chalon et Digoin. Diverses mines de houille, Saint-Léger, Saint-Berain, dont le nom fit jadis tant de bruit, Long pendu, Montchanin, où est une belle tuilerie, sont disséminées le long du parcours. Une ligne de peupliers jalonne les bords du canal. A gauche et à droite de la voie ferrée, s'étendent des prairies et des champs de vignes; les fameux crus de Mercurey ne sont pas loin. Çà et là, à travers les arbres, montent les cheminées de quelques usines à vapeur. Dans cet heureux pays, l'industrie et l'agriculture se donnent fraternellement la main.
A Montchanin, se sépare un nouvel embranchement qui va au Creusot, tandis que la première voie poursuit vers Blanzy et le Montceau, centre des plus fertiles houillères de tout le bassin de Saône-et-Loire.
Procédons avec méthode et visitons d'abord le Creusot. C’est même par lui qu'il eût fallu commencer, si l'importance des lieux visités eût seule réglé l'ordre du récit.
La première fois que je me rendis au Creusot, c'était au mois de juin 1865. Parti de Paris la veille au soir, par l'express de la Méditerranée, j'étais à l'aurore à Chagny, bientôt après à Montchanin, que je quittai avec un train d'ouvriers qui allaient commencer leur journée au Creusot. En moins d'un quart d'heure, la locomotive s'arrêtait, et j'avais devant les yeux un magnifique spectacle: ici les puits de mine, où la machine infatigable avait déjà mis les câbles en jeu pour l’extraction de la houille; plus loin, les gigantesques hauts-fourneaux, travaillant jour et nuit, sans jamais de relâche, et d'où s'échappe, comme une traînée de lave, la fonte de fer liquide. D'un autre côté, était la forge qui rappelle par son architecture, dont le fer a fait tous les frais, le palais de Sydenham ou les Halles centrales de Paris. Les ateliers de constructions mécaniques, d'où sortent les machines marines, les machines fixes, les locomotives, et mille autres ingénieux appareils, complètent ce grandiose ensemble. Le vaste emplacement de l'usine est dominé par une énorme cheminée, qui reçoit les gaz sortant de tous les fourneaux. Elle est haute de quatre-vingts mètres, de sa base au sommet, c'est-à -dire deux fois plus élevée que la colonne de la place Vendôme. Autour de l'établissement va et vient la locomotive, obéissant à toutes les exigences du service, et dix mille ouvriers prêtent leurs bras à cette usine sans rivale au monde.
Quelle a donc été l'origine de ce centre animé du travail, une des gloires industrielles de la France? La fondation de l'établissement est de date récente, et ne remonte pas à un siècle; la grande industrie n'est-elle pas née d'hier? Et qui a donné naissance à l'immense usine et à la ville populeuse qui s'est groupée autour d'elle? La découverte d'une pierre noire, d'un morceau de charbon.
J'ai raconté ailleurs! Les phases diverses qui ont accompagné l'origine et les développements du Creusot; peut-être me sera-t-il permis de répéter ici textuellement cette histoire 'lui, recueillie dans des documents authentiques, ne saurait s'écrire de deux façons.
« On raconte la vie des grands hommes; pourquoi ne dirait-on pas celle des grandes usines? En 1782, le Creusot, vallée sauvage et inhabitée, portait le nom de Charbonnières (La Grande Industrie Française, l’usine du Creusot. Paris E. Lacroix, 1866.), parce qu'on y voyait l'affleurement d'une couche de charbon. La houille commençait alors à être chose appréciée en France; une compagnie se forma, dans laquelle s'intéressa Louis XVI, pour tirer parti de ce combustible minéral; mais les voies de communication manquaient.
«Le canal du Centre, projeté depuis des siècles, auquel avaient successivement pensé Sully et Richelieu, fut enfin décrété, et Gauthey, ingénieur des Etats de Bourgogne, chargé de cet important travail. Un régiment de troupes fut mis à sa disposition. En même temps, la machine à vapeur que Watt venait de perfectionner si heureusement, était introduite au Creusot. Un énorme cylindre, portant la date de 1782 et le nom du célèbre fondeur anglais Wilkinson, se voit encore dans la cour de l'usine, à gauche de l'entrée des bureaux. On a bien fait d'ouvrir des invalides à ce vénérable débris, glorieux témoin d'humbles commencements.
« La navigation du canal du Centre ne devait commencer qu'à la fin de 1793. En attendant, le Creusot, privé de moyens de transports économiques, dut s'attacher à produire avec la houille une matière d'un écoulement plus facile, le fer. On songea aussi à fabriquer du verre avec les sables du pays. Une cristallerie fut créée sous les auspices de Marie-Antoinette. Pendant que le roi fondait des canons, la reine faisait couler du cristal. Cet établissement fonctionna jusqu'en 1832, et ne s'est éteint qu'après avoir été acheté par Baccarat; mais le nom de Verrerie est resté à la partie du Creusot qu'occupent depuis près de trente ans les chefs de l'usine. On y voit encore debout les deux immenses cônes de brique qui renfermaient les fours,
« La fonderie de canons devait marcher moins longtemps que la cristallerie; toutefois, pendant toute la durée de la République et de l'Empire, le Creusot travailla pour le gouvernement. Les canons de fonte et de bronze, les obus et les boulets se répandirent de là sur tous les champs de bataille de l'Europe. Les canons coulés, forés et tournés au Creusot, étaient aussi essayés sur les lieux mêmes, et la montagne dite des Boulets rappelle encore ces épreuves. Les quatre lions de fonte qui gardent bénévolement la porte de l'Institut de France, à Paris, datent aussi de cette époque, et sont des produits du Creusot.
« C'est peut-être la seule commande pacifique que le gouvernement d'alors ait faite à cette usine. Aussi, en 1815, les arts de la guerre ayant brusquement cédé le pas à ceux de la paix, le Creusot, ne sachant se transformer, s'arrêta; mais bientôt d'éminents industriels du pays, MM. Chagot, en prirent la direction, et fondirent dans ces ateliers les tuyaux d'éclairage pour le gaz de Paris, et la nouvelle machine de Marly.
Plan de l'usine et de la ville du Creusot
« Malgré tous les efforts développés par cette famille intelligente qui bientôt allait fonder si glorieusement Blanzy, le Creusot ne put résister à la concurrence d'usines rivales. L'heure des grandes forges à la houille n'avait pas encore sonné. On était en 1826. Sur ces entrefaites, se présenta la compagnie anglaise Manby et Wilson qui, venant substituer enfin aux anciens procédés suivis en France pour la fabrication de la fonte et du fer, les méthodes plus expéditives et plus économiques des usines britanniques, ranima le Creusot. Cependant les débouchés firent défaut à la production, et l'usine entra de nouveau en liquidation en 1836. Ne nous étonnons pas de ces premières épreuves, nous les retrouverions au début de toutes les grandes entreprises, comme si plusieurs générations de hardis pionniers devaient d'abord préparer la voie à leurs successeurs.
« En 1837, le Creusot passa aux mains de MM. Schneider, l'un mûri aux affaires commerciales et industrielles dans une des principales maisons de banque de Paris; l'autre formé au dur travail des forges au fond des Ardennes. L'aîné des deux frères fut enlevé par un malheureux accident en 1845. Dès lors M. Eugène Schneider se trouva seul à la tête de ce grand établissement. Il a toujours supporté vaillamment le poids de cette charge, et c'est à son initiative que sont dues toutes les transformations opérées depuis au Creusot. A partir de 1837, cette usine n'a plus cessé de prospérer. L'atelier de constructions mécaniques créé à cette époque, en même temps que naissaient chez nous les chemins de fer et la navigation à vapeur, est devenu successivement l'un des plus vastes et des mieux outillés du monde, et a contribué puissamment à la réputation du Creusot. Une voie ferrée a relié l'usine au canal du Centre; l'ex· traction de la houille, l'exploitation des minerais, le traitement de la fonte et du fer, tout a été perfectionné sans relâche. Le pays s'est bien vite ressenti de ces heureux changements et de tous ces progrès graduellement réalisés.
« En 1837, la localité comptait 3000 habitants, elle en a aujourd'hui 24 000, et l'établissement seul n'occupe pas moins de 10 000 ouvriers. Le Creusot, qui extrayait alors 40 000 tonnes de charbon, de 1000 kilogrammes chacune, en exploite à présent 200 000, en consomme le double. Enfin, de 20 000 tonnes de fer que l'usine produisait en 1847, le chiffre s'est élevé, en 1865, à 100 000 tonnes, le huitième de la production générale de la France.
« La fabrication des machines a suivi au Creusot une voie ascendante aussi rapide. On y livre annuellement 5000 chevaux de force en machines de toute espèce; 100 locomotives sortent aussi chaque année de ces ateliers pour commencer leur course infatigable sur tous les railways du monde.
« Devant de tels chiffres de production on est frappé du rôle que joue le Creusot dans la grande industrie française. Cette usine est exceptionnelle comme ensemble. Si l'on peut retrouver en Angleterre, par exemple, quelques établissements où la production soit égale et même supérieure pour une spécialité, il n'y a nulle part d'exemple de la réunion de diverses industries sur une aussi vaste échelle.
« C'est une houillère et une mine de fer qui ont été la première cause de ce merveilleux développement. Un morceau de charbon a donné naissance à tout un pays.»
II
LE TRAVAIL
La houillère. - Puits Saint-Pierre et Saint-Paul. - Le soldat de l'abîme. - Ateliers de lavage et de mélange de~ charbons. Fabrication du coke. - Les mines de fer de Mazenay. - La plate-forme. - Les hauts-fourneaux. - Coulée de la fonte. Moulage. - La nouvelle forge. - Puddleurs, forgerons, lamineurs. - L'atelier de constructions mécaniques. - Fonderie, chaudronnerie, forge de grosses œuvres, tournerie, ajustage et montage. - Le Petit-Creusot.
Puisque c'est d'une houillère et d'une mine de fer qu'est sorti le Creusot, parlons d'abord. de l'exploitation de ces deux gîtes, avant de décrire les ateliers où se pressent les fondeurs, les forgerons et les mécaniciens.
La houillère du Creusot fait partie, comme celle d'Épinac, du bassin de Saône-et-Loire. L'exploitation porte sur une énorme couche qui atteint jusqu'à cinquante mètres d'épaisseur. La couche a été rejointe au moyen d'un certain nombre de puits, et exploitée en premier lieu par la méthode des éboulements, plus tard par un système de galeries et d'étages réguliers, successivement remblayés. Aujourd'hui l'extraction de la houille est concentrée sur les puits jumeaux Saint-Pierre et Saint-Paul; les autres puits ne servent plus qu'à l'extraction des eaux, à la descente des remblais ou à l'aérage de la mine. Les abords des deux puits jumeaux présentent un coup d'œil monumental. Une haute charpente, élégamment dessinée, porte les poulies. Autour des puits règnent un mouvement, une animation continue. Tout le monde est à l'ouvrage. Ici les receveurs, les hommes du jour, déchargent les berlines pleines du noir charbon que le câble a remontées du fond du gouffre. Là des femmes trient la houille, la séparent des schistes et du roc stérile, la classent en diverses catégories. Une partie du combustible est conduite par la locomotive vers un atelier de lavage spécial.
Au fond des puits s'ouvrent les sinueux boyaux où les mineurs, armés de la sape, éclairés par la lampe de Davy, font leur travail de taupe. Deux fois par vingt quatre heures les postes entrent dans la mine; le poste de jour à six heures du matin, le poste de nuit à six heures du soir. Groupés autour de l'orifice, les ouvriers attendent le signal. A un son de cloche, la cage se met en mouvement et descend dans l'abîme, emportant sa charge humaine, étagée sur deux rangs. En même temps, la cage vide remonte, qui reçoit à son tour son convoi de voyageurs. Les mineurs disparaissent dans le gouffre. On les entend causer au départ, mais bientôt la voix se perd, et l'on ne distingue plus que la pâle lueur des lumières. En peu de temps, l'armée souterraine est à l'œuvre. Grâce aux perfectionnements adoptés, les soldats du travail peuvent désormais être portés promptement et sans danger sur leur champ de bataille. Est- ce à dire que dans l'attaque du terrain, le péril ait à son tour disparu ? Hélas, non ! Les explosions du grisou, ce gaz détonant des houillères, les éboulements, les inondations, les coups de mine, font encore ici comme ailleurs, et malgré toutes les précautions que l'on prend, un trop grand nombre de victimes. Le pionnier des souterrains a ses luttes comme le soldat des armées de terre et de mer, mais il est bien plus méritant que ceux-ci; car, héros obscur, il marche bravement à la mort, sans l'espoir d'aucune récompense, d'aucun avancement, avec la seule satisfaction d'avoir rempli sa tâche, et fait jusqu'au bout son devoir. Les amis de la paix pourraient aussi faire observer qu'il produit, tandis que les autres détruisent, qu'il produit le charbon, et qu'il crée, pour ainsi dire, la lumière, la chaleur, la force, le mouvement, tous ces agents naturels sans lesquels les sociétés civilisées modernes ne sauraient désormais exister.
Bornons là ces observations, qu'il suffira d'avoir provoquées dans l'esprit du lecteur, si déjà il ne les a faites lui-même, et reprenons le chemin des ateliers.
Dans l'établissement de lavage où nous l'avons vu conduire, la houille est soumise à une purification complète. Au moyen d'appareils particuliers et de l'eau en mouvement, on sépare facilement les pierres lourdes de la houille plus légère. Dans de nouveaux ateliers on pulvérise la houille lavée et nettoyée, et on la mélange avec d'autres de provenance extérieure. Le Creusot, qui 1 extrait par an de ses mines plus de 200 000 tonnes de charbon ou de 200 millions de kilogrammes, est obligé, tant sa consommation est considérable, d'aller emprunter aux mines voisines, celles de Montchanin et de Blanzy, aux mines de Decize, dans la Nièvre, et aux mines de la Loire, notamment celles de Saint -Étienne, les quantités et jusqu'à un certain point les qualités qui lui manquent.
Dans les ateliers de pulvérisation et de mélange, le travail est encore plus curieux que dans ceux de lavage et d'épuration. Des appareils automatiques exécutent toutes les manipulations, charrient la houille, la lavent, en dosent et pèsent les mélanges, qu'ils chargent eux-mêmes dans les wagons. Aujourd'hui, la machine, en quelque sorte intelligente, a presque partout remplacé la main de l'homme, et nulle part ce fait ne se vérifie mieux qu'au Creusot.
Lavées, dosées, mélangées, les houilles destinées à la fusion du lainerai de fer sont jetées dans des fours ad hocoù on les torréfie et les cuit. C'est une carbonisation qui rappelle celle du bois dans les forêts. Ici l'enveloppe en briques réfractaires des fours joue le rôle de la meule en terre qui enserre les rondins végétaux. Et à quoi bon tout ce travail? Ne vaudrait-il pas mieux jeter directement dans le fourneau à fer le combustible crû? Non, certes; en voici la raison. Le combustible, déjà purifié des matières pierreuses et stériles par le lavage, est débarrassé par la carbonisation des parties sulfureuses et gazeuses qu'il contient. Le soufre, en se mêlant au fer, rendrait le métal cassant; les parties gazeuses, en se vaporisant dans le fourneau, emprunteraient une partie de la chaleur nécessaire au traitement du minerai. Voilà pourquoi on carbonise la houille avant de l'employer au travail de la fonte. Cette houille carbonisée n'est autre chose que ce que nous appelons le coke. Le coke a concentré tout le carbone de la houille, le combustible solide; sous un moindre poids, il donne une plus grande chaleur: il en faut donc moins jeter dans la fournaise; nouvel avantage d'employer le coke au lieu de la houille crue. Enfin le coke est toujours homogène, et sous un poids ou un volume donné, fournit toujours à peu près la même quantité de cendres, produit le même effet calorifique.
Le combustible est trouvé; où prendrons-nous le minerai de fer A Mazenay d'abord, non loin du Creusot. Visitons cette nouvelle mine. La route est facile et courte. Le chemin de fer nous y conduit. Partis du Creusot sur la voie qui nous a menés à l'usine, nous quittons le railway à la station de Saint-Léger, près le canal du Centre, où un embranchement spécial nous dépose sur les travaux. La voie passe au pied des galeries et des puits d'où l'on extrait le minerai. La pierre rouge, ferrugineuse, peut être le même jour abattue, extraite, versée dans les wagons, et portée à l'usine sur la bouche des fours, pierre le matin, fonte le soir.
L'exploitation de ces mines a doublé la population des pays environnants, déjà fertilisés par l'agriculture. La contrée est doublement féconde: le sol y fournit le vin; le sous-sol, le fer, deux des plus utiles produits des règnes végétal et minéral.
La couche de minerai affleure, c'est-à-dire qu'elle se montre au jour, qu'elle apparaît à la surface sur quelques points. Elle se développe souterrainement comme une immense table, épaisse d'abord de deux pieds, puis de six. La puissance s'accroît avec la profondeur. Quelle fortune a trouvée là le Creusot! C'est près de trois cent mille tonnes par an, trois cents millions de kilogrammes, qu'il extrait de cette pierre rouge, dont le titre est de vingt à trente pour cent de fer pur.
Le gîte de Mazenay est enclavé dans le terrain que les géologues nomment jurassique, parce qu'il est surtout développé dans le Jura. Ce terrain est supérieur au terrain houiller, qui est son aîné de beaucoup, car entre les terrains jurassique et houiller, viennent les terrains permien et triasique. Le premier a été baptisé de ce nom parce qu'on le rencontre principalement dans la province de Perm en Russie; l'autre parce qu'il renferme trois groupes, une triade d'étages.
Autour de Mazenay s'étend le terrain jurassique, d'abord en mamelons doucement arrondis, puis en crêtes abruptes et pelées. Sur l'un de ces mamelons est le bourg de Couches, ainsi nommé parce que les duchesses de Bourgogne allaient, dit-on, y faire leurs relevailles. Parmi les crêtes déchiquetées, on distingue celles de Rème et de Rome, crêtes jumelles qu'un plaisant centurion venu d'Italie avec César, dut sans doute désigner ainsi en souvenir de la grande légende des deux frères jumeaux, Rémus et Romulus.
Tel est le pays de Mazenay. Autour des mines sont concentrés les établissements alimentaires et des groupes de maisons d'ouvriers, noyaux de futurs villages. Les hommes ont la face rougie par la poussière du minerai; les femmes sont à peu près absentes de ce pays embryonnaire.
Bien que l'extraction du minerai soit incessante, ici comme pour le charbon, la production ne peut marcher de pair avec la consommation, et le Creusot va chercher au loin ce qui lui manque. Chizeuil et Génelard dans la Saône-et-Loire, lui fournissent déjà un certain appoint, puis les célèbres mines du Berry, et celles non moins importantes du Doubs. Cela n'est pas encore suffisant. L'île d'Elbe aux gîtes inépuisables, à peine effleurés par trois mille ans de fouille ; l’ Algérie avec ses riches mines de Mokhta-el-Haddid (la tranchée du fer), envoient aussi leurs produits au Creusot.
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Le rendez-vous de tous les minerais est à l'orifice des fourneaux, en un lieu dit la plate-forme. Variables par le titre et la composition, on en prépare ce qu'on nomme des lits de fusion. Ce saut des mélanges de minerai, de coke et de fondants. Ces derniers sont des matières siliceuses ou calcaires dont le rôle est de venir en aide au travail du fourneau. La nature des lits de fusion varie suivant la qualité de fonte qu'on veut produire, et la chimie est interrogée pour ce travail préliminaire dont dépendra le traitement métallurgique.
Les foyers où s'opère la réduction du minerai de fer portent en métallurgie le nom de hauts-fourneaux, à cause de leur grande élévation. Au Creusot, ces foyers sont au nombre de quinze, onze alignés sur une rangée, les quatre autres en retour d'équerre sur les premiers. Ils forment un colossal ensemble, adossé à la montagne qui porte la ville. Ces géants de brique et de pierre rappellent les monstrueux édifices dont l'Égypte et l'Assyrie offrent encore tant de modèles. A la cime est le gueulard, qui vomit la flamme et la fumée; à la base, par la tuyère éblouissante, la machine soufflante lance l'air à pleins cylindres, tandis que par le trou de coulée, s'échappe incessamment la scorie liquide, qui serpente sur le sol de l'usine comme une traînée de lave. La coulée de la fonte est intermittente. Elle n'a lieu qu'à des intervalles réguliers, deux ou trois fois par vingt-quatre heures. Le métal jaillit comme un fleuve de feu; des gerbes étincelantes s'en dégagent et pétillent dans l'air.
La fonte court sur le sol de l'usine dans des moules en sable où elle se fige. Une partie du métal reçoit dans celte opération une forme définitive; une autre partie subit dans un fourneau en forme de cuve, dit cubilot ou four à la Wilkinson, du nom de l'inventeur anglais, une seconde fusion, une sorte de raffinage. Après quoi elle prend dans des moules délicatement préparés, en terre, en sable ou en fonte, les formes variées que réclame l'industrie. Ainsi se confectionnent les cylindres de machines à vapeur, les tuyaux de conduite, etc.
Mais la fonte ne s'emploie pas qu'au moulage, elle sert surtout à fabriquer le fer, et c'est ici que commence une nouvelle série de traitements qui compose la principale industrie du Creusot. |
La fonte de forge, qui diffère par ses propriétés et jusqu'à un certain point par sa composition, de la fonte de moulage, est produite dans des hauts-fourneaux particuliers. On la moule en lingots ou gueuses, que l'on porte à la forge pour les transformer en fer. Une nouvelle forge a remplacé l'ancienne, naguère située vis à vis des hauts-fourneaux, et que les besoins et le développement de l'usine ont forcé de reconstruire ailleurs sur une échelle monumentale. Une longue rangée de fours à réverbère, où la fonte est purifiée, le fer réchauffé; devant les fours, les marteaux pilons, les laminoirs à vapeur, où le métal est soudé, forgé, changé en barres, en rails et en plaques de tôle, tel est le spectacle que présente tout d'abord l'ensemble de la nouvelle forge. Dans les hautes cheminées des fours à réverbère, sont logées debout les chaudières des machines, ce qui économise la place et le combustible; au milieu du vaste atelier, es tla chambre des pompes, qui alimentent d' eau les chaudières; d'un côté, les magasins de réception, où la fonte venant des hauts-fourneaux, est reçue, pesée, envoyée aux fours à réverbère; de l'autre côté, les magasins de dépôt, où le fer, désormais doué de qualités marchandes, pour parler comme les industriels, c'est-à-dire barre, rail ou plaque, est empilé, étiqueté, et de là expédié sur tous les marchés. La distribution de l'atelier est admirable de simplicité, d'ordre, de symétrie. Le sol est dallé en fonte pour faciliter tous les mouvements; le rail, que parcourt la locomotive, entre dans l'usine, s'aligne jusque devant les fourneaux. Une charpente en fer à grande portée; soutenue par des colonnes de fonte, recouvre tout l'édifice.
La forge occupe une superficie de douze hectares, rassemblée sur une longueur de cinq cents mètres et une largeur de deux cent quarante. Dans cet immense espace, aucun point n'est perdu, aucune place inutile ; partout le labeur incessant de l'ouvrier. Ici le puddleur courbé vers la porte du réverbère d'où se dégage la température du blanc éblouissant, 1800 à 2000 degrés, remue, brasse, pétrit la fonte incandescente. C'est le travail du puddlage (De l'anglais puddle, pétrir, d'où nous avons fait puddleur, puddler, puddlage et four à puddler. Les Anglais ont été nos maîtres dans la métallurgie du fer, et nous leur avons emprunté quelques-unes de leurs expressions. Dans beaucoup d'usines on dit encore le mill (en anglais meule, moulin, cylindre tournant) pour le laminoir à fer, et nos forges à la houille, celles où l'on fabrique le fer au combustible minéral, se nomment des forges à l'anglaise; ce nom rappelle leur pays d'origine. II y a un siècle, nous n'avions en France que des forges au bois.). Bientôt il saisit la boule de métal avec une énorme pince ou tenaille, et la porte, blanche de chaleur, sous le marteau pilon qui l'assouplit et la forge. Le merveilleux outil est un enfant du Creusot, car l'invention en est due à M. Bourdon, ancien ingénieur de l'usine, auquel l'Anglais Nasmyth a vainement disputé la priorité de cette grande découverte (Le brevet de M. Bourdon est du mois d'avril 1842, celui de M. Nasmyth du mois de juin. Dans l'intervalle, M. Nasmyth avait visité le Creusot. Le marteau de forge à vapeur est donc bien d’invention française). Le marteau, docile à la pression de la vapeur, s'élève et s'abaisse sur la boule et lui donne peu à peu une forme régulière. La scorie, entraînant toutes les impuretés, coule le long du métal, d'où se dégagent aussi des lamelles brillantes, qui retombent sur les larges dalles de l'usine. Souvent le forgeron porte un masque, et garantit ses mains et ses pieds par des gantelets et des jambières en cuir dur ou en tôle.
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Du marteau à vapeur, le métal est porté aux laminoirs cannelés, entre les interstices desquels, plus souple que du caoutchouc, il s'allonge en rails ou en barres ; ou bien encore, réchauffé dans des fours à réverbère spéciaux, et porté sur des laminoirs unis, il se déroule en larges plaques qui composent ce qu'on appelle la tôle de fer. D'énormes cisailles, mues (est-il nécessaire de le dire?) par la vapeur, coupent d'équerre le bout des rails, des barres, des plaques de tôle; l'acier mord sur le fer comme si c'était du carton. On égalise de même avec des scies circulaires l'extrémité des rails encore chauds. Une gerbe de feu jaillit sous les dents de la scie animée d'une vitesse vertigineuse, et illumine tout l'atelier.
La forge du Creusot est surtout disposée en vue de la fabrication des rails. Sur une production annuelle de plus de cent mille tonnes de fer marchand à laquelle est arrivée maintenant l'usine, environ les deux tiers sont en rails. Le reste consiste en fer rond et carré, ou est transformé en machines; c'est là une nouvelle fabrication qu'il nous reste à étudier, la dernière, mais non la moins curieuse.
L'atelier de constructions mécaniques est installé dans la partie de l'usine où sont les hauts-fourneaux, et fait face d'un côté à ces derniers, et de l'autre à' l'ancienne forge. Pourrons-nous, sans nous perdre, jeter même un regard rapide dans tous ces ateliers, où s'enchevêtrent les arbres moteurs, les courroies, les machines-outils? Dans ce désordre apparent, règne l'ordre le plus parfait; tout a été calculé et monté en vue de l'effet à produire. Admirable combinaison, harmonieuse symétrie, où l'homme semble faire concurrence aux créations de la nature elle-même !
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Voyez tous ces outils qui s'animent, disposés sur des lignes parallèles, ils remplacent la main de l'homme. L'un rabote et polit le métal, l'autre le dresse ou le taille en biseau; celui-ci y découpe des mortaises et des tenons, cet autre des filets de vis. Cet outil perce le fer, ou bien courbe en cylindres les feuilles de tôle, et les rive les unes aux autres. Glorifions ces inventions ingénieuses; elles suppriment peu à peu le travail matériel, presque toujours abrutissant, de l'ouvrier. Désormais l'outil fait tout, fonctionne seul, avance, retourne sur ses pas; l'homme n'est plus qu'un surveillant; l'œil et la main restent libres; l'intelligence est seule en jeu.
De ces ateliers où le fer est travaillé, assoupli comme du bois, sortent tous les organes de machines fixes, de locomotives, de locomobiles, de machines marines et de mille autres appareils. Au moulage de seconde fusion sont fondus les cylindres à vapeur, aux dimensions quelquefois colossales. D'énormes grues prennent au moyen de poches la fonte dans les cubilots, et la versent immédiatement dans les moules.
A la chaudronnerie sont confectionnées les chaudières aux formes variées, âme de toutes les machines. A la forge de grosses-œuvres (ainsi nommée parce qu'on y travaille les plus grosses pièces) sont patiemment façonnés les arbres de couche gigantesques qui meuvent l'hélice des bateaux à vapeur. Le marteau-pilon que nous avons déjà vu en œuvre dans la forge à l'anglaise, a seul permis d'élaborer ces imposantes masses; et le travail est magnifique à voir, quand la pièce, sortie du four chauffé à blanc, est dirigée sous le marteau par une escouade d'hommes vigoureux penchés sur elle.
Sous le marteau-pilon sont également achevées les roues de locomotives, dont la jante ou cercle de fer est soudée à des rayons de fonte.
A la tournerie, à l'ajustage, on polit sur le tour, ou l'on assemble les pièces; au montage on les dispose dans leur ordre régulier, on les essaye; après quoi la machine est défaite et livrée.
Partout fonctionnent le compas et l'équerre. On travaille sur des plans soigneusement dressés, tant pour l'ensemble que pour les détails. Avant de procéder au moulage, des modèles sont préparés en bois, puis en terre. Le modeleur et le mouleur font œuvre délicate d'artistes.
Ferons-nous ici la nomenclature de toutes les machines sorties du Creusot ? Ce serait vouloir se livrer à un inventaire sans fin. La marine marchande et celle de l'État, les administrations de travaux publics, les compagnies de chemins de fer, même celles de l'étranger, l'Angleterre comprise, les grandes industries, les grandes exploitations, envoient et ont de tout temps envoyé des commandes au Creusot. L'usine livre aujourd'hui, nous le savons, cent locomotives par an, deux locomotives par semaine! Avec son fer, le Creusot fabrique même des ponts, car il est à remarquer qu'à mesure que la pierre et le bois disparaissent, le fer tend à les remplacer. Les ponts en tôle sont principalement construits dans l'atelier de Chalon-sur-Saône. C'est une annexe du Creusot, le Petit-Creusot comme on l'appelle. Créé naguère en vue de fournir les meilleures machines à la navigation fluviale à vapeur, que depuis les chemins de fer ont ruinée, l'atelier de Chalon-sur-Saône s'est transformé, et a fourni aux chemins de fer des ponts pour leurs viaducs. Au lieu de succomber devant ses terribles concurrents, il en a fait ses clients les plus fidèles. Parmi les ponts sortis du chantier de Chalon, il faut citer ceux de Fribourg, de Brest, et celui d'El Cinca, jeté récemment sur cet affluent de l'Èbre, à trente-cinq mètres au-dessus de l'eau, sans pont de service. L'arche a soixante-quinze mètres de portée. Les voyageurs insouciants, les convois de muletiers endormis sur leurs bêtes, qui traversent maintenant ce pont, sont loin de se douter de tous les efforts que sa construction a coûtés.
Bornons ici cette énumération. Il est temps de parler de l'ouvrier. Nous avons vu la matière passer et se modifier sous nos yeux, arrivons à l'homme, et voyons comment, sous l'intelligente impulsion des chefs de l'usine, il s'est à son tour transformé, moralisé par le travail et l'instruction.
III
LES TRAVAILLEURS.
Population de l'usine et de la ville. - Le Morvandiot. - Métamorphose et variété. - Casernes et cités ouvrières. - Le pensionnaire.
Consommation, production, crédit. - L'hôpital et la caisse de secours. - Écoles, cours d'adultes, bibliothèques.
L'éducation professionnelle. - La chapelle et l'église. - La verrerie. - Les notables. - Le Creusot haussmanisé. - Allez-y voir.
Nous avons déjà dit que l'établissement du Creusot occupe aujourd'hui 10 000 ouvriers, et que la ville à laquelle il a donné naissance compte près de 25 000 habitants. Si chaque ouvrier était marié, dirait un statisticien , celui-ci n'aurait donc qu'une moitié d'enfant, ou s'il avait un enfant, une moitié de femme. Il existe en effet de tels exemples; mais laissons les calculs des statisticiens, tout ingénieux qu'ils soient, et voyons ce qui est en réalité.
Sur les 10 000 ouvriers employés par le Creusot, il faut d'abord en défalquer 1500, attachés aux mines de fer de Mazenay et d'autres gîtes, et au chantier de Chalon; restent 8500 ouvriers vivant tous au Creusot. Ainsi réduit, le chiffre donnerait presque un enfant et une femme à chacun. Néanmoins la triade n'est encore cette fois qu'hypothétique, et une bonne partie des ouvriers sont célibataires. Les marchands, les hôteliers, les cafetiers, tout ce monde de trafiquants qu'entraîne autour d'elle la plus petite comme la plus grande ville, forment l'appoint de la population. C'est le haut et le petit commerce du Creusot. La plupart de ces industriels sont venus du dehors attirés par l'appât du gain. L'ouvrier est au contraire presque toujours enfant du sol, un Creusotin comme on l'appelle. Jadis il se rattachait au type du Morvandiot, et comme tout indigène du Morvan, né au milieu des montagnes granitiques et des forêts de châtaigniers, il se distinguait par une sorte de rudesse et de sauvagerie.
Le travail des ateliers, une hygiène bien entendue, et l'instruction libéralement offerte à tous, n'ont pas tardé à métamorphoser le Morvandiot creusotin. La haute paye de l'usine, si différente du maigre salaire qu'on reçoit dans les campagnes, a permis à l'ouvrier, et cela chaque jour, de manger de la viande, de boire du vin, et de remplacer par une nourriture variée l'ancienne et éternelle pâtée de châtaignes. Le type physique et moral s'est bien vite modifié. Le Morvandiot est petit, aux formes ramassées et d'intelligence étroite; le Creusotin est plus grand, plus svelte et d'intuition plus vive. Ce n'est pas qu'il n'offre lui-même quelques différences, suivant le travail auquel il se livre. Le mineur-charbonnier, soldat des souterrains, a le teint pâle, la démarche alourdie et comme résignée; le fondeur, le forgeron, toujours à l'air et devant le feu, ont le teint plus coloré, les formes plus dégagées. Enfin le mécanicien, par la nature même de son travail, qui tient presque toujours la tête en jeu, non les bras, a l' œil vif, la figure ouverte, et l'apparence d'un citadin.
Les ouvriers logent en ville, dans des maisons privées, ou dans des casernes bâties par l'établissement; enfin, dans des habitations indépendantes, dont un groupe forme une cité ouvrière que le Creusot a fait bâtir sur un modèle spécial. Dans cette cité, chaque maison est entièrement isolée de sa voisine, et jouit d'un jardin. Deux pièces au rez-de-chaussée de plafond élevé, larges et bien aérées, bien éclairées, les mansardes en haut, la cave sur le côté, dans le jardin, telle est l'habitation que le Creusot donne à ses mineurs, mieux partagés, on le voit, que bien des petits bourgeois parisiens. Les chefs-ouvriers, les maîtres-mineurs, ont des maisons encore plus confortables: il est juste que les caporaux soient un peu mieux traités que les simples soldats.
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Le système des logements isolés est aujourd'hui partout admis au Creusot, comme dans presque tous les établissements industriels. Nous avons déjà vu ce principe exclusivement adopté à Épinac, après quelques tâtonnements. Au Creusot un vaste phalanstère, réunissant tous les ouvriers, puis le système des maisons à quatre logements dit système de Mulhouse, parce qu'il a été inauguré dans cette grande ville industrielle, ont successivement échoué, Il n'est pas besoin de s'appesantir sur les avantages et les inconvénients des maisons communes. Les avantages sont de pouvoir bâtir, sur un espace donné, la plus grande quantité de logements possible, et par conséquent d'économiser le terrain; les inconvénients sont de réunir sous le même toit toutes les familles d'ouvriers} et les ouvriers célibataires. La tranquillité, l'hygiène, la morale, ont également à souffrir de cette sorte de promiscuité. Quand les ouvriers, comme dans les mines, travaillent par postes alternatifs, ceux qui rentrent dérangent ceux qui dorment. Le jour, les cris des enfants, les querelles des femmes et souvent la voix des maris qui se mêle à ces concerts discordants, font de la maison commune un séjour intolérable. Je passe sur les atteintes portées à l'hygiène et à la morale. Il faut donc, quand les conditions le permettent, recourir aux habitations isolées, et c'est ce que le Creusot s'est attaché à faire.
Les maisons sont livrées aux ouvriers à prix coûtant, s'ils veulent les acquérir: c'est environ 2000 francs, y compris le-terrain. S'ils se bornent à les louer, le loyer est de 5 pour 100 par an de ce capital. Enfin, comme on ne veut exercer aucune pression sur le travailleur, on le laisse libre, s'il n'entend payer de loyer à qui que ce soit, de se bâtir une maison à lui. On fait mieux, on lui fournit pour cela et à prix de revient, tous les matériaux, moellon, chaux, sable, plâtre, briques, tuiles, bois. Il remboursera le tout sans intérêt par annuités, au moyen de retenues successives sur son salaire. Une certaine partie des ouvriers du Creusot se sont ainsi bâti leur maison, et en sont devenus définitivement propriétaires.
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Les logements qu'a fait construire l'usine sont occupés par des familles. Le célibataire loge où il veut, généralement chez l'ouvrier marié, et il y prend pension. Il partage à prix débattu le vivre et le couvert, il a place au feu et à la chandelle comme le soldat en marche dévolu au bourgeois. Les mauvaises langues prétendent que le pensionnaire (c'est le nom qu'on lui donne) outrepasse volontiers ses droits; mais nous n'avons pas qualité pour vider ici ce grave débat.
Le Creusot n'a pas borné à l'érection des cités ouvrières sa sollicitude pour ses travailleurs. On peut dire qu'il n'a jamais cessé de leur accorder en tout la plus paternelle assistance. Avant même que les sociétés coopératives de consommation, de production et de crédit ne fissent tant de bruit chez nous, et ne vinssent tourner la tête à nos ouvriers, comme si l'on pouvait rencontrer partout les équitables pionniers de Rochdale, le Creusot, fondait en faveur de ses ouvriers des institutions analogues. Éclairé par l'étude continuelle des besoins du consommateur, il créait un établissement de denrées alimentaires, où les principaux objets indispensables à la vie quotidienne, le riz, le café, le sucre, les légumes secs, le lard salé, sont livrés au prix de revient. Voilà pour la consommation. Pour le crédit, nous avons déjà dit comment l'entendait le Creusot, en fournissant à chacun les moyens de bâtir en quelque sorte sans bourse délier. Quant à la production, elle est ici tout entière dans l'usine, et où pourrait-elle mieux s'exercer? Les épargnes des ouvriers sont reçues par l'établissement, quand ils jugent convenable de les lui confier, et on leur en sert l'intérêt. Il y a aussi une caisse d'épargne au Creusot.
Le travailleur creusotin, qu'on le prenne dans la mine, la fonderie, la forge, l'atelier mécanique, est le soldat de l'industrie, sans cesse exposé. Comme nous l’avons dit, dans l'industrie, de même que dans la guerre, la vie de l'homme est toujours en jeu. Pour ce soldat, le Creusot a tout fait. Malade, blessé, l'ouvrier reçoit les soins gratuits du médecin, du chirurgien, les remèdes, une espèce de demi-solde pendant toute la durée de son chômage. Il entre gratuitement à l'hôpital, à moins qu'il ne préfère être soigné chez lui. La caisse de secours, fondée sur le principe fécond de la mutualité, et à laquelle les directeurs de l'usine apportent généreusement leur quote-part, pourvoit à tous ces frais. Pour les ouvriers infirmes ou trop vieux, elle se transforme en caisse de retraite; aux veuves, aux orphelins, elle assure une pension, un asile; à tous, quand la mort vient, les plus décentes funérailles.
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Jusqu'ici nous avons vu tous les besoins du corps satisfaits. On a répondu non moins libéralement à tous ceux de l'esprit. Des écoles ont été fondées pour les filles et pour les garçons. L'obligation et la gratuité de l'instruction n'ont pas été admises comme principe; mais on a presque rendu l'instruction obligatoire, en ne recevant dans l'usine que des enfants qui savent lire et écrire; on l'a presque rendue gratuite, en n'exigeant des parents que la plus minime rétribution, 75 centimes par mois, et en exonérant de cette redevance les familles trop pauvres ou trop chargées d'enfants. Jamais difficulté n'a été plus heureusement tournée.
Les écoles où se dispense l'instruction primaire ne suffisant pas, on a fondé aussi des cours d'adultes. A celui qui n'a pas pu ou qui n'a pas voulu, étant jeune, s'abreuver à la source féconde de l'instruction, il faut offrir les moyens de s'y désaltérer plus tard. Un moment vient, que l'on soit ouvrier ou bourgeois, où l'on comprend tous les bienfaits de l'éducation, el l'indispensable nécessité qu'il y a dans ce monde à ce que chacun possède sa part de connaissances intellectuelles. Un bagage de cette espèce, pour mince qu'il soit; est loin de gêner. Voilà pourquoi on fonde partout des cours d'adultes, et le Creusot n'a eu garde de les négliger. Pour entretenir la flamme ainsi allumée chez tous, il a fondé enfin des bibliothèques. Il ne suffit pas de savoir, il faut lire, il faut augmenter chaque jour, s'il est possible, ses connaissances de la veille, et puis le livre n'écarte-il pas l'ouvrier du cabaret ? Lire est ici d'un double avantage.
L'éducation professionnelle dont on a tant parlé chez nous il y a deux ans, sur laquelle on a tant écrit, sans même pouvoir s'entendre, sans même arriver à définir exactement ce que l'on prétendait dire par ces mots, l'éducation professionnelle est la base de l'instruction que l'on donne au Creusot. L'on n'a pas discuté ici pour savoir si l'école devait être dans l'atelier, ou l'atelier dans l'école, de l'école on passe à l'atelier, et réciproquement. |
La lecture, l'écriture, le calcul, puis un peu de grammaire, d'histoire, de géographie, sont enseignés à tous. Après viennent la géométrie, le dessin linéaire, qui sont dans l'usine d'une application continue, et qu'il est par conséquent indispensable de connaître. Dans cette trituration, dans ces épreuves préliminaires, des aptitudes spéciales, des sujets plus intelligents que les autres se révèlent. On met immédiatement ceux-là en apprentissage dans les ateliers; quelques-uns sont envoyés, aux frais du Creusot, dans des écoles spéciales, comme celles des arts et métiers, et ils en reviennent tout prêts à faire un jour des contremaîtres accomplis.
C'est par cette rigoureuse discipline donnée au corps et à l'esprit, que le Creusot a assuré son recrutement. Il y a longtemps qu'on l'a dit: c'est le maître qui fait l'ouvrier. Jamais l'attention des chefs ne s'est un instant démentie sur aucun point, et ils ont pu peupler sans effort leurs vastes ateliers, comblant les vides, suppléant à tous les besoins, sans avoir un seul jour manqué de sujets intelligents. Il y a ici pour le moraliste une étude du plus haut intérêt, étude à faire sur le vif, et sur laquelle nous appelons aussi toutes les méditations de l'ingénieur et de l'économiste.
Les besoins du corps et de l'esprit si amplement con tentés, n'ont pas fait négliger ceux de l'âme. Entre l'école des filles et celle des garçons se dresse la cure, et plus loin l'église, élégante et de style roman. Dans la vallée où court la voie de fer on a bâti de plus une chapelle, dont les directeurs du Creusot ont fait présent au pays.
Les chefs de l'usine résident dans une grande habitation située sur le plateau qui porte la ville. L'édifice, assez confortable, porte le nom de Verrerie, et nous savons pourquoi: on a fait au Creusot du cristal, avant d'y faire du fer.
De la terrasse de cette résidence, qui tourne heureusement le dos à l'usine, on jouit d'un superbe coup d'œil. Devant soi on a le parc, dont la nouvelle forge brûle quelque peu les derniers arbres par ses chaudes émanations; puis la cité ouvrière de la Villedieu. A l'horizon se dresse comme un énorme cône le mont Saint-Vincent, point culminant du département de Saône-et-Loire. A droite, à quelque distance, est le mont Cenis, non pas celui qu'on traverse en diligence en allant de Savoie en Piémont, mais un mont Cenis plus humble, qui a cependant soutenu des sièges, s'il faut en croire la légende et les ruines d'un vieux castel démantelé. Enfin, à gauche, au milieu d'une plaine bien cultivée, s'allonge comme une ligne indécise le canal du Centre, sur les bords duquel sont les houillères de Montchanin, de Blanzy et du Montceau que nous allons bientôt visiter.
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L'habitation de la Verrerie n'est pas distincte de la ville du Creusot. Celle-ci occupe le plateau et le versant compris entre les hauts-fourneaux et la nouvelle forge. L'aspect de la ville est sévère, comme celui de tout centre industriel. Le jour, les hommes sont à l'ouvrage; le soir, ils rentrent fatigués et s'endorment. On n'entend plus, la nuit, que la grande voix des machines dont quelques-unes, comme celles qui soufflent les hauts-fourneaux, ne s'arrêtent jamais.
Le dimanche seulement, la ville offre un peu d'animation. Les hommes, les femmes, en grande toilette, partent pour la promenade. Bien des couples sont suivis de l'inévitable pensionnaire. Les plus notables parmi les habitants, les ingénieurs, les chefs de service, les médecins, les premiers employés, forment l'état-major de l'usine. C'est là le monde élégant du Creusot, et il est, comme dans toutes les grandes villes, bienveillant, poli, hospitalier. Il peut aussi revendiquer sa part dans les succès que nous avons constatés.
Les directeurs de l'établissement concentrent tous les services. Ce sont les grands feudataires de l'endroit, mais des feudataires accessibles, familiers. Tout leur temps est donné au travail industriel, car il n'y a pas de temps à perdre dans cette usine qui, à elle seule, occupe dix mille bras, fait marcher un chemin de fer et tient un télégraphe en haleine.
La ville a des rues larges, bien pavées, tirées au cordeau; elle a aussi des quartiers neufs, coquets, et les principes de M. Haussmann ont révolutionné jusqu’a cette cité paisible et travailleuse. De larges places, des boulevards, des squares, ornent aujourd'hui le Creusot. Il a eu de tout temps ses fontaines, ses établissements de bains, son marché. Il est resté fidèle, pour l'éclairage, à l'huile de schiste, sans doute à cause du voisinage d'Autun; mais bientôt il sera éclairé au gaz comme l'usine.
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Si j'ajoute qu'on rencontre dans la ville fort peu d'agents de police et de gendarmes, et que les habitants ont appris à se garder eux-mêmes, n'aurai-je pas fait le tableau d'une ville exemplaire, comme en aurait rêvé l'auteur de Telémaque ?Et le tableau n'est pas chargé à plaisir; il a été fait sur les lieux, d'après nature.
Après tout, le Creusot est aux portes de Paris, et je puis répondre aux fils incrédules de saint Thomas, qui m'accuseraient de faire le portrait de la ville modèle après celui de l'usine modèle: « Mes bons amis, allez-y voir. »
IV
LE CREUSOT ET LES FORGES FRANÇAISES.
Résumé des progrès du Creusot. - Reconstruction de la forge. Approvisionnement des minerais. - Abaissement des prix de fabrication et de vente.
Amélioration des qualités produites. - Etonnante augmentation de la production. - Elargissement des débouchés. - Les émules du Creusot.
Les merveilleux développements que nous avons constatés dans l'usine du Creusot étaient projetés même avant l'époque du fameux traité de commerce entre la France et l'Angleterre, c'est-à-dire avant 1860. L'habile gérant de cette usine, qu'aucune mesure ne semble prendre au dépourvu, avait compris dès 1858 que le salut n'était que dans une transformation radicale, et celte transformation il l'a hardiment opérée sans un instant d'hésitation. La vieille forge, que d'autres nécessités forçaient aussi à déplacer, a été reconstruite avec une ampleur sans exemple.
La France, à laquelle le Creusot s'était adressé jusque-là pour l'exploitation et l'achat des minerais, n'a plus été la seule pourvoyeuse de l'usine, et l'on est allé jusqu’à l'île d'Elbe, jusqu'en Afrique, demander à des mines inépuisables le complément ou les qualités qui manquaient.
Le Creusot, dont les machines avaient jusqu'alors régné presque sans rivales sur les divers marchés français, mais dont les fers n'avaient pas joui encore de beau coup de crédit, est maintenant arrivé à fabriquer des qualités exceptionnelles.
Il y a peu de forges qui puissent aujourd'hui entrer en lutte avec lui surtout pour les qualités courantes; en outre, les quantités produites ont été presque doublées.
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En même temps qu'on a modifié si profondément les hauts-fourneaux et la forge, on a apporté dans la confection des machines plus de soins encore s'il était possible que par le passé.
On a diminué les prix de revient et par conséquent les prix de vente. Le Creusot s'est ouvert ainsi les marchés étrangers même ceux d'Angleterre, et une partie de ceux de la Méditerranée. Sa position au centre de la France lui permet d'ailleurs d'atteindre facilement tous nos ports par les canaux, les rivières et les railways. Mais les fournitures britanniques, quelques commandes dans les escales méditerranéennes ne doivent point suffire à l'ambition du Creusot. Il doit porter ses vues plus loin. Il lui faut adresser maintenant jusqu'en Asie et en Amérique les spécimens des ses machines, ne fût-ce que dans l'Amérique du centre et du Sud et dans la partie des Indes qu'occupent les Français, les Portugais et les Espagnols. Les pays de race latine, quand ils ont le choix entre l'Angleterre et la France, préfèrent s'adresser à celle-ci. Il est bon de ne pas l'oublier. La question des nationalités qui n'a pas toujours réussi en politique, mènera plus heureusement les affaires commerciales, notamment celle du Creusot, et cette belle usine prouvera une fois de plus que la France est aussi mûre que le Royaume-Uni pour les grandes conceptions industrielles.
A l'époque du traité avec l'Angleterre, il n'était sorte de prophéties funestes que l'école des pessimistes ne lançât contre la métallurgie française. A les entendre, les mesures prises allaient éteindre tous nos hauts-fourneaux, arrêter l'exploitation d'une partie de nos forêts, suspendre l'extraction de hi plupart de nos houillères, et fermer tous nos grands ateliers mécaniques. |
Les produits anglais allaient nous inonder, et nous devions succomber fatalement dans cette invasion qui est de celles qu'on ne repousse pas par les armes. Ces prévisions se sont-elles réalisées ? Loin de là, car la métallurgie française et l'exploitation de nos houillères sont allées sans cesse en progressant. La quantité de houille produite par nos gites nationaux est d'un tiers plus forte qu'en 1860, celle du fer élaborée par nos forges a augmenté aussi dans une étonnante proportion. Enfin nous avons fourni des machines et jusqu'à des locomotives à l'Angleterre elle-même.
La quantité de fer versée chez nous par les usines britanniques est insignifiante; elle ne dépasse pas le sixième de notre production.
Sur ce chiffre, la plus grande partie est réexportée, et ce mouvement a été heureusement facilité par les acquits à caution, sortes de warants négociables, qui autorisent en franchise l'entrée temporaire des fontes étrangères, ou du moins font disparaître les droits de douane à la sortie.
Il est juste de reconnaître ici que les Schneider n'ont pas été les seuls qui ont accepté courageusement les conditions du traité de commerce, et sont entrés bannières en tête dans le tournoi où le gouvernement semblait convier tous nos maîtres de forge. A côté d'eux il faut citer les de Wendel dans la Moselle, les Petin et Gaudet dans la Loire, et vingt autres de nos plus éminents maîtres de forge qu'il faudrait tous nommer. Qui ne connaît les belles usines de Fourchambault, d'Anzin, de Commentry et Montluçon, d'Alais, de Terre-Noire, etc. ?
Chaque usine s'est transformée; le Creusot, en modifiant sa forge, en étendant sa fabrication des machines, en produisant des rails et des locomotives à outrance; Hayanges et Styring, usines de M. de Wendel, favorisées, il est vrai, par des conditions topographiques et géologiques spéciales, en augmentant dans une pro portion fabuleuse la production de la fonte; Assailly, Lorette, Saint-Chamond et Rive de Gier, usines de MM. Petin et Gaudet, en adoptant hardiment les procédés de l'Anglais Bessemer, et en laminant ces énormes plaques de blindages, en martelant ces arbres de couche gigantesques, qui ont fait la fortune de ces hardis industriels, et si largement développé notre marine à vapeur commerciale ou militaire.
Au milieu de tous ces grands progrès, le fer a baissé de valeur; on en a vu le prix diminuer d'un tiers en six ans ; ainsi les fers à rails valent aujourd'hui 180 à 190 francs les mille kilogrammes; ils en valaient 250, en 1860. Ce fait économique est un résultat de l'augmentation énorme de production; il prouve, dans tous les cas, que nos hauts-fourneaux ne sont pas près de s'éteindre, puisque nos usines produisent plus et vendent à meilleur marché, sans perdre.
On dirait que ces baisses de prix diminuant naturellement le gain, forcent le producteur, pour travailler toujours avec profit, à rechercher les meilleures combinaisons possibles; sans cela il s'engourdirait dans une nonchalante sécurité. Le progrès industriel n'a-t-il donc lieu qu'au prix d'une menace incessante de ruine, loi qui semble rappeler quelques-unes de celles de la nature où le mal amène si souvent le bien ? Les petits ont dû fatalement céder ici le pas aux grands, et dans cette espèce de lutte pour l'existence, les modestes forges au bois qui, depuis des siècles, à l'ombre de leurs forêts, fabriquaient toujours les mêmes fers suivant d'antiques méthodes, ont dû fermer à jamais leurs portes. Le métal était de qualité supérieure, mais cher ; il a fallu éteindre les fourneaux devant les baisses de prix et la production toujours plus élevée des concurrents. C'est la loi fatale du progrès de froisser toujours quelques intérêts privés : les chemins de fer ont tué les diligences et les maîtres de poste. Mais c'est aussi une loi du progrès, qu'il ne peut faire son évolution qu'au milieu de grandes difficultés. Qui a fait découvrir à notre époque la machine à vapeur, les chemins de fer, la locomotive, les machines marines, sinon le besoin de lutter victorieusement contre des conditions défavorables? A quoi sont dues les étonnantes transformations de la forge du Creusot, et les merveilleux résultats dont nous venons de retracer l'histoire, si ce n'est à des causes analogues?
Texte publié dans LE TOUR DU MONDE - XV - 377e LIV. - 1867 - Les gravures sont celles qui accompagnaient le texte d'origine |